dimanche 30 novembre 2008

Nagoya en bleu, noir et blanc


Une fois à Nagoya, je réalise qu'il n'y a pas tant de choses qui m'intéressent. C'est la quatrième ville en importance du pays, après Tokyo, Yokohama et Osaka, mais son histoire est assez banale. Il y a le château, mais j'en ai ras la calotte des châteaux nippons, pour la plupart démolis dans les deux derniers siècles, puis reconstruits et convertis en centres d'interprétation. Je vais donc au centre-ville, à l'est de la gare, au sud du château. J'y trouve « Central Park », une longue tranche boisée bordée par de petits commerces et restaurants. Au milieu, une grande tour à la Tokyo Tower, un poste d'observation pour avoir une vue des environs. Aussi, une insistance sur le fait que Los Angeles est la ville jumelée à Nagoya. Los Angeles par-ci, Los Angeles par-là, c'est qu'ils en sont vraiment fier. On peut même y voir des reproductions des fameuses dalles étoilées d'Hollywood signées par les stars. Mais le clou de la journée, c'est le ciel, tout bleu par endroits, tout blanc ailleurs avec des manifestations de noir disséminées un peu partout, avec comme résultat un éclairage exceptionnel. Malheureusement, quelques gouttes commencent à tomber et je décide de rentrer tôt afin de, oui, mettre le blog à jour et de continuer les planifications pour le couchsurfing de fin de voyage.

Mot du jour : ao(i) (bleu), shiro(i) (blanc), kuro(i) (noir)

samedi 29 novembre 2008

Errance électronique pour adresse non divulguée


Du bateau à l'autobus, qui transfère au tramway d'Osaka et changement pour le métro. Près de la station d'Umeda, je dois absolument trouver un café internet : mon hôte de ce soir ne m'a toujours pas donné son adresse. Un peu par chance, je tombe sur quelque chose de pas mal - c'est que je n'avais jamais vraiment prêté attention aux cafés internet comme je n'ai pas eu besoin de les fréquenter. Toujours aucune réponse; je lui renvoie un message sur un ton un peu plus insistant. 10 minutes plus tard, je suis ressorti et je cours m'acheter un billet d'autobus pour Nagoya - 5 minutes après, je suis en route vers ma nouvelle destination. Ça fait un sacré bout de chemin depuis Miyazaki!

Arrivé à Nagoya, sans hôte, sans dîner, je vais d'abord m'acheter quelque chose à grignoter, je lis un peu ce qu'à à dire mon guide de voyage sur la ville (pas grand-chose, eh) et je vais au International Center. De là, on peut accéder à internet.. et oui, j'ai eu une réponse entre-temps, avec des coordonnées et une heure de rendez-vous! Ça me laisse tout de même l'après-midi à flâner. Je vais dans le coin du château : pareil à celui d'Osaka et Kumamoto, je ne sens vraiment pas le besoin de visiter. Je déambule dans les parcs autour, lis un peu et pars un peu à l'avance rencontrer Ryoko, mon hôte(sse).

Comme de raison, elle est retenue par son travail et je dois l'attendre encore un peu. Mais elle arrive finalement, cette europhile - car, oui, Ryoko est fascinée par tout ce qui touche à l'Europe, son appartement prenant presque la forme d'un cabinet de curiosités. Elle essaie d'y aller une fois par année, pour le plaisir. En soirée, elle m'aide à préparer des dumplings, un régal, et m'invite à profiter du lit perché tout en haut de son appartement, comme un nid retiré et secret dont le seul accès possible est par une échelle assez raide. Ô combien apprécié après une journée de déplacements, de stress, d'incertitudes et d'attente.

Mot du jour : kokusai (international)

Loin de la pêche miraculeuse!


Rien de très compliqué aujourd'hui, seulement une chose à faire : prendre le traversier de Miyazaki à Osaka. Je ne me sens pas trop coupable d'abandonner Miyazaki comme ça, sans visiter. À la base, je n'étais même pas supposé m'y rendre et puis, ça m'a tout l'air d'une ville d'été, un genre de Miami-light pour les Japonais qui n'ont pas les moyens d'aller jusqu'à Hawaii ou Okinawa. Un seul regret, peut-être, celui de ne pas avoir pu visiter les environs, car la région a l'air riche en paysages pittoresques, en coulées de lave solidifiées, en crevasses et en anciens tumulus de la période Kofun. Dès le début de l'après-midi, j'entreprends une longue marche jusqu'au terminal de traversiers de Miyazaki. Le prochain, et unique, bateau quitte à 19h, j'ai donc quelques heures à tuer. Pas assez d'énergie pour retourner en ville, ni d'activité excitante qui me procurerait cette énergie. Je vais donc me promener près du bateau, qui est déjà le long du quai et un peu plus loin dans le port. Sur le bord de l'eau, plusieurs voitures sont garées - les lignes sont à l'eau. La plupart du temps, ils sont deux : un qui surveille les lignes, l'autre qui fait la sieste. Je me balade pendant une heure près des pêcheurs et jamais je n'en ai vu un attraper quoique ce soit, pas même une botte ni une vieille boîte de conserve! Je m'installe moi aussi près de l'eau, me confectionnant une sorte de fauteuil de fortune avec mes deux sacs et mon veston. Si confortable.. et le soleil qui me chauffe juste un peu. Je m'endors.

Lorsque je me réveille, il ne reste qu'une heure et demie à attendre avant le départ. À la levée de l'ancre, je ne prends même pas la peine d'aller jeter un coup d'oeil à l'extérieur. C'est dommage ce soleil qui se couche à 17h, pour plus d'une raison. Non, plutôt je reste confortablement allongé sur mon matelas deuxième classe à regarder des films sur l'ordinateur avant que les lumières ne s'éteignent.

Mot du jour : tsuri (pêche)

vendredi 28 novembre 2008

Partir sur un 'nowhere' au pays du 'anything goes'


La veille, avant d'aller au lit, Kris m'avait promis qu'il essaierait de voir s'il était possible qu'il se libère dans les prochains jours afin de m'amener directement à Miyazaki, car il possède une deuxième maison pas trop loin où il va surfer. Le matin, tout déconfit, il me dit que non, ce ne sera pas possible, il doit être au travail. Moi, évidemment, je n'en demandais pas tant alors ça ne me dérange pas trop, mais ça aurait été quand même bien d'aller passer un ou deux jours sur le bord de la mer. Il tient à se faire pardonner en m'offrant un petit-déjeuner américano-japonais : un bagel, du riz et du café. Et le riz.. quel riz! Je commence à manger et me demande comment il s'y est pris pour obtenir ce goût subtil... qu'est-ce qu'il a bien pu y ajouter? Il n'y a pas de secret : il me révèle que c'est un riz  qui vient du coin et qui vient tout juste d'être récolté, un de ses élèves lui en a offert.

Kris tient quand même à me conduire le plus loin possible et m'amène donc à Miyakonojo, la plus grosse ville des environs. Fort de mon expérience de la veille, je m'apprête à faire de l'auto-stop et commence donc à marcher le long de la route menant à Miyazaki. Il fait super beau, le soleil plombe, mais ce n'est pas trop chaud, 25 degrés en plein soleil, moins d'une vingtaine de degrés à l'ombre. Le problème, c'est que Miyakonojo n'en finit plus et je ne peux tout de même pas faire du pouce en plein centre-ville. J'aperçois des indications pour une halte routière. J'ai lu que c'est généralement un bon endroit pour demander un lift. Je me pose, observe les plaques d'immatriculations qui indiquent la préfecture où a été enregistré le véhicule; c'est divisé entre Miyazaki et Kagoshima en parts presque égales. Je demande à trois.. quatre, cinq personnes dans quelle direction ils vont, mais je ne me sens pas super à l'aise d'approcher les gens de cette façon. J'abandonne et poursuis mon chemin sur la route principale qui ne tarde pas à se transformer en autoroute. Merde.

Je vois qu'il y a moyen de contourner l'autoroute par des chemins de campagne. À ce point-ci, deux choix s'offrent à moi : retourner sur mes pas pour prendre un autobus express en direction de Miyazaki ou contourner l'autoroute pour trouver un bon coin pour du stop. Je choisis le deuxième en espérant qu'au pire, il me sera possible d'attraper un autobus un peu plus loin. Je contourne, zigzaguant encore et encore sous l'autoroute pour enfin me retrouver dans un village pas trop loin. Éreinté, un peu désespéré parce que le soleil commence à tomber à l'horizon, un enfant m'aborde, me demande où je vais. Je lui dis Miyazaki. Il me demande : « Comment »? Je lui réponds.. je ne sais pas, il y a un bus dans le coin? Non, pas de bus. Pas de chance. Je continue quand même et je vois que la route commence à être plus propice à l'auto-stop.

Je dépose finalement mon sac, habille mon visage d'un grand sourire à la fois cordial et épuisé et... 10 minutes plus tard, je suis dans la voiture de mon nouvel ami, Tanaka-san. Il me dit qu'il peut m'amener jusqu'à Miyazaki, mais qu'il a à faire dans la prochaine ville. Il me dépose au Seven Eleven où je l'attends une demi-heure et le voilà qui revient. Une heure plus tard, nous sommes en plein coeur de Miyazaki, près de la gare d'où j'appelle James, le contact que Kris m'a donné un peu plus tôt. Malheureusement, James, qui est sur Couchsurfing.com, reçoit déjà quelqu'un et ne peut donc m'héberger. Qu'à cela ne tienne, je m'informe sur les différentes possibilités d'hébergement à Miyazaki et constate que l'auberge de jeunesse reste l'option la moins chère. J'y mettrai l'argent économisé aujourd'hui en transport.

Signe que je suis hors-saison : nous sommes deux personnes à l'auberge. Ma chambre est immense, ce qui n'aurait probablement pas été le cas au moins de mai. Le deuxième visiteur, un Japonais, m'interpelle rapidement en voulant visiblement pratiquer son anglais. Je me prête à l'exercice du mieux que je peux, même si je suis crever de cette journée de marche et d'imprévus. Comme pour me récompenser, il m'offre une poignée de chocolats et de biscuits.. awwww.. Je conclue ce 'nowhere' en me goinfrant dans une vaste salle complètement déserte et en mettant à jour les blogues.

Mot du jour : ushi (vache .. j'en ai vues aujourd'hui)

Un pouce en or


Être hébergé chez une famille avec des enfants en bas âge, ça du bon, y'a de l'activité, ça court partout, mais impossible de faire la grasse matinée! Toute la ménagée se réveille donc en même temps, et nous passons, nous sept, à table pour le petit-déjeuner. Chacun déclare ses intentions : Derrick et Naoko doivent aller à l'école pour aider des étudiants à préparer un examen d'anglais, Stéphan et Miléna, eux, iront vers Sakurajima pour y passer la nuit. Moi, eh ben, il faut que je sois à Miyazaki dans deux jours, entre temps, je n'ai pas vraiment de plan. Derrick me dit qu'il a un ami à Iwagawa, une toute petite ville à mi-chemin entre Kinko-cho et Miyazaki et qu'il peut le contacter pour lui demander de m'offrir l'hospitalité. Bon, c'est ça de gagner. Reste le problème de comment s'y rendre parce que, je le répète, je suis au beau milieu de nulle part. Encouragé par Stéphan et Miléna, deux pros de l'auto-stop, je décide de m'y essayer pour une première fois. Derrick me promet de me conduire à Kanoya, une ville à partir de laquelle je serai en ligne droite pour Iwagawa.

Avant, cependant, j'accompagne la famille à l'école. Pendant que Naoko et Derrick donnent leurs cours chacun de leurs côtés, ma mission est, d'une part, de rester près de Zen, ce qui n'est pas sorcier étant donné qu'il est juste assez vieux pour apprécier les jeux vidéos et, d'autre part, d'aller jeter un coup-d'oeil à l'extérieur de temps en temps pour m'assurer que Luka roupille toujours dans la voiture. Après un certain moment, Derrick m'invite dans sa salle de classe pour que les étudiants puissent me poser des questions et mettre à l'épreuve leurs connaissances en anglais.

Vers 15h, les Kennedy m'amènent à Kanoya et me déposent près d'un supermarché. Le ciel se couvre, quelques gouttes tombent. Ça n'augure pas très bien, mais je garde le moral - entendre les récits d'auto-stop de Stéphan et Miléna m'ont donné confiance. Je me réfugie donc au supermarché pendant une quinzaine de minutes et l'averse passe. Je commence à marcher le long de la route en direction de Iwagawa. Ça me prend quand même un moment avant de me sentir assez confortable pour tendre le pouce. Il faut avant tout chose trouver l'endroit idéal : dans une ligne droite pour que les conducteurs me voient de loin et près d'un accotement pour qu'il puisse s'y ranger. Je trouve finalement mon coin. Je dépose mon sac et le dispose de façon à ce que le drapeau canadien soit clairement visible. Je m'arme de mon plus beau sourire et de l'attitude la plus positive qui soit et tient, d'une main, une pancarte sur laquelle il est écrit : « Miyakonojo no homen, nihongo dekiru! » (En direction de Miyakonojo, je parle japonais!). 

10 minutes plus tard, je suis en voiture avec un homme d'une soixantaine d'année qui s'empresse de m'offrir 150¥ pour que je puisse m'acheter quelque chose à boire dans une machine distributrice. On bavarde un peu; la conversation est sommaire, mais je connais tout juste assez de japonais pour combler les silences. Le soleil se couche et je suis à Iwagawa. D'abord, je ne réussis pas à rejoindre Kris, l'ami de Derrick, mais ce dernier m'avait dit qu'il travaillait jusqu'à 21h. Le Japonais qui m'a reconduit s'inquiète un peu, mais je lui dit qu'il n'y a aucune problème et que je vais être 'ok'. Ça me fait quand même trois heures à tuer... Que faire? J'explore un peu les environs, mais c'est sombre et sans intérêt. Je trouve finalement une grande surface et je m'installe sur un banc devant pour y lire et y écouter de la musique. Après une heure, un jeune homme d'une vingtaine d'année m'aborde, sans arrières-pensées, il veut tout simplement converser. Il parle un anglais sans faute et même qu'il peut compter en français et dire quelques phrases simples! Junji, c'est son nom, m'explique tout plein de choses sur la culture japonaise, sur la grammaire et, finalement, m'offre un CD (gravé) d'un groupe de chanteurs nippons. 

Tout ça fait que je ne vois pas le temps passer et qu'il est déjà neuf heures. J'appelle Kris et il vient aussitôt me chercher au supermarché. Un Américain, mais de descendance asiatique, qui vit dans le sud du Japon depuis une dizaine d'années. Lui aussi a une petite famille et une école privée d'où il donne ses leçons. Je dis adieu à Junji et embarque avec Kris. Sans être trop au courant du Couchsurfing, il m'offre l'hospitalité en s'excusant de ne pas pouvoir passer davantage de temps avec moi. Un homme exceptionnel, un de plus, si attentionné et généreux avec qui je passe une bonne heure à bavarder du Québec et du Japon avant d'aller au lit.

Mot du jour : kuruma (voiture)

mardi 25 novembre 2008

Aventures du bout du monde


Se lever avec le soleil, y'a qu'ça d'vrai. Je serai honnête avec vous, cette demi-nuit passée assis, affaissé, sur une chaise de plastique de ce terminal de traversier de Kagoshima, ville jumelle de Naples, ne fut pas la plus réconfortante de ma vie. Mais y'a pas que le confort dans la vie, il y a les expériences nouvelles, les expériences desquelles on ressort grandi, ou du moins changé, ayant appris à garder son sang-froid et son optimisme dans les situations les plus stressantes. Apprendre à faire des choix, à prendre des décisions et à les assumer jusqu'au bout.

Maintenant, une quête. J'aurais pu abandonner l'idée de me rendre chez Derrick lui qui semble habiter au beau milieu de nulle part dans la ville du bout monde et me prendre une chambre d'hôtel pour ce soir, mais non, je ne veux pas rester sur un échec, je veux me prouver que je suis capable de me démerder. Il faut d'abord me rendre à un autre terminal de traversier, celui de Kamoike. Avant tout un petit-déjeuner acheté au Lawson, l'un de ces dépanneurs 24h qui peuplent le Japon, deux gros morceaux de poulet frit, du bon gras tel que j'en vais rêvé toute la nuit durant. Je m'informe auprès d'un passant à l'allure sympathique, un promeneur matinal en ce dimanche de congé - si bienveillant, il ne m'indique pas seulement la direction du terminal, il m'y emmène d'un pas assuré que j'ai peine à suivre chargé de mon sac qui commence à me peser sur la nuque.

Le « ferry » part dans 15 minutes en direction de Taramizu, de l'autre côté de la baie de Kagoshima. À son bord, j'en profite pour faire un « powernap » pendant que les autres passagers se régalent de ramen et de udon (soupe de nouilles épaisses). À Taramizu, à quelques 30 kilomètres de Kinko-cho, la vraie, on me prévient qu'il sera impossible de prendre l'autobus jusqu'à bon port. Pourquoi? Parce que nous sommes dimanche. Je devrai faire autrement. Je commence à marcher vers le sud, vers Kinko, vers chez Derrick. Il pleuvâsse. De la belle merde quoi. Je commence à penser que ça serait peut-être une bonne idée de faire du stop. Je jette des regards derrière moi, j'y pense, je considère, je me demande si... et soudain, sans avoir même tenter de tendre le pouce, une voiture s'arrête à côté. Un visage amical, assis du côté droit, bien sûr, me demande où je vais. Lorsque je lui réponds Kinko-cho, il est d'abord surpris, puis regarde sur son GPS. Ce n'est pas trop loin, pas sur son chemin nécessairement, mais il peut m'y amener. Hourra!

En tout, le trajet prend une bonne demi-heure - à pied ça m'aurait pris au moins cinq heures. Ah, merci, mille fois merci! À peine arrivé à Kinko-cho, un bâtiment attire mon attention : c'est une petite maison blanche avec un drapeau canadien dans la fenêtre et un écriteau sur lequel on peut lire « Kennedy English School ». Ça y est, c'est ici! Je remercie Kamikariya-san, mon bon samaritain et j'appelle Derrick pour lui dire que j'ai finalement réussi à me rendre à destination.

Il vient me chercher une quinzaine de minutes plus tard avec sa voiture remplie à craquer de sourires accueillants. Il y a lui, Derrick, un Canadien de Winnipeg, 30 ans, son épouse, Naoko, leurs deux enfants, Zen et Luka (3 ans et 1 ans si je me souviens bien) et aussi deux autres couchsurfers, Stéphan et Milena de France. Derrick me dit que c'est la première fois qu'ils reçoivent des étrangers à Kinko-cho et que c'est donc un hasard que nous soyons trois à la fois. La douche attendra, nous allons d'abord voir une chute dans les environs. Ensuite, nous allons manger un morceau au matsuri du coin, pas cher, hyper sympathique, noys y rencontrons les frères de Naoko qui nous offrent des moules. Après, nous allons au Cap Sata, le point le plus méridional de Kyushu et donc du Japon, en excluant les îles mineures. Voilà, mon bout du monde. Je suis fatigué, je me sens crade, je pue probablement, mais j'y suis.

Avant le souper, moi, Derrick et Stéphan allons au onsen pour nous nettoyer, nous relaxer, nous régénérer quoi. Un quarante minute de pur bonheur qui efface complètement les désagréments des deux dernières journées. Pour le souper, Milena fait un gyudon maison (des lamelles de boeuf et des oignons cuits sur un nid de riz), puis Naoko va mettre les enfants au lit pendant que moi, Derrick et Stéphan, jouons au golf sur la Wii.

Pas nécessaire de vous dire que je n'ai pas eu de difficulté à m'endormir.

Mot du jour : minami (sud), sainan (le plus au sud)

P.S. C'est ma dernière mise à jour pour aujourd'hui. Demain, je prends le traversier pour Osaka, j'espère donc être en mesure de vous donner des nouvelles après-demain. Tiens, juste pour vous dire exactement où j'en suis : j'écris présentement d'une auberge de jeunesse à Miyazaki, sur la côté est de Kyushu. Comme nous sommes hors-saison, l'endroit est complètement désert. Je recharge mes batteries avant de repartir à l'aventure. Sayonara!

Les deux Kinko : jeux de miroirs et de poulies


Ah, le Shochu... l'une de ces fois où l'on se dit : « Plus jamais! ». Heureusement, Erich veille au grain, il me concocte un petit-déjeuner à l'américaine, avec toast, omelette et café que je m'efforce d'avaler pour me faire un « petit fond », comme on dit. Vers midi, il va me reconduire à la garde d'autobus avant d'aller rejoindre sa fiancée à Isahaya. Le trajet est sans histoire - je me sens un peu tout croche, mais ça va. Arrivé à la station d'autobus de Kagoshima, je donne un coup de fil à Derrick, mon prochain meilleur ami, et il me dit d'aller à Kinko-cho et de l'appeler une fois sur place. Je demande à une employée de la gare qui me dit que je dois prendre un autobus, puis un traversier, puis un autre autobus avant de... ehh? Je m'étais pourtant renseigné sur Kinko avant de prendre le bus, j'avais lu qu'à partir de la gare de Kagoshima, fallait prendre le train pendant environ une demi-heure et que ça coûtait 450¥. Je vais donc voir à la gare et repère Kinko sur la carte, avec les kanji et tout. Kinko. 450¥, une dizaine d'arrêts et une quantité de vues splendides sur Sakurajima, une petite presqu'île au centre de la baie de Kagoshima au milieu de laquelle s'élève un volcan à la silhouette parfaite, presque cliché. À Kinko, je téléphone à Derrick :« Salut, c'est François, je viens tout juste d'arriver! »
- D'accord, où es-tu?
- Je suis à la gare de Kinko.
- La gare de quoi?
- Ben la gare de train.
-... Je crois que nous avons un problème.
- Pourquoi donc?
- Il n'y a pas de train qui se rend à Kinko-cho.

Il n'y a pas de train qui se rend à Kinko-cho. Je ne suis pas au bon Kinko. Moment de désespoir rehaussé d'un peu d'apitoiement. Trop tard pour me rendre au bon Kinko, que faire? Je rentre à Kagoshima, vais dans la salle d'attente de la gare pour y lire « Par-delà le bien et le mal » (que j'ai acheté à Kumamoto) pendant environ 3 heures. À minuit, la salle d'attente ferme, je dois quitter. J'erre un peu dans Kagoshima. Nous sommes samedi, à l'heure de pointe des fêtards, qui passent à côté de moi dans leurs voitures modifiées. Je marche pendant trois quarts d'heure, jusqu'au terminal de traversiers en direction de Sakurajima. Là, je me trouve un siège pas trop inconfortable où je somnole jusqu'au lever du soleil.

Demain, j'irai au bon Kinko, au vrai Kinko. Kinko-cho.

Mot du jour : kagami (miroir)

Gymnastique gustative


Lorsque j'étais entré en contact avec Erich pour la première fois, je lui avais demandé s'il ne pouvait pas m'héberger deux nuits. « Pourquoi pas trois », qu'il m'avait répondu, parce que si je restais une nuit de plus nous pourrions passer une journée à flâner ensemble. En fin de matinée, il m'amène d'abord à la station d'autobus, où je peux planifier la suite de mon voyage, en l'occurrence acheter un billet de bus pour Kagoshima. Juste à côté de la station centrale, encore des dégustations - j'y goûte un steak de la région, un gâteau roulé fourré à la pâte de haricots aromatisée à l'orange ainsi qu'un petit poisson séché, qu'il faut manger tout en entier, avec les nageoires, la tête, les yeux. Nous allons au arcades, de nouveaux, arrêt dans une librairie là où, ô joie!, il y a une montagne de livres usagés en anglais et en français! Lorsque nous arrivons à la caisse, les employés semblent perplexes - combien valent-ils? C'est qu'ils ne s'attendaient pas à les vendre si rapidement ces livres! Nous leurs proposons un marché : 100¥ chacun, à prendre ou à laisser. Ils acceptent et nous repartons satisfaits de la transaction conclue.

Une vingtaine de minutes avant de rencontrer Caroline, avec qui nous avons rendez-vous à 13h à l'intersection des arcades du dessus et du dessous (« Kami » et « Shimo »). Erich me paie une partie de Taiko électronique - nous nous amusons comme des bambins. Avec Caroline, nous retournons près des stands de dégustation et je constate qu'ils ont un nouveau menu - aubergine frites, lait chaud d'une ferme locale, etc. Nous allons au musée d'art contemporain de Kumamoto pour une visite rapide d'une exposition gratuite gracieusement offerte par le club d'arts visuels municipal avec comme thématiques le jeu, l'enfance, les couleurs vives, le mignon (très japonais, bref). Caroline est fatiguée.. allez, tous au Starbucks! Étant donné que le café filtre petit format (4$) revient à peine moins cher qu'un café de fantaisie, je me lâche lousse et commande fièrement un café à la crème brûlée... à la kuriimu burure. Caroline veut lire un peu, nous la laissons donc au Starbucks et Erich m'amène au jardin de Suizenji, deuxième grande attraction touristique de Kumamoto.

Pour un joli jardin, c'est un joli jardin, y'a pas à dire. Nous en faisons le tour rapidement, en passant bien sûr à côté de la reproduction du Mont Fuji. Vers la fin du parcours, nous nous arrêtons dans une maison de thé, à l'origine construite à Kyoto, mais importée à Kumamoto il y a de cela environ un siècle. Assis sur un tatami, à l'extérieur, mais sous un toit, nous buvons un mattcha en regardant s'étendre la pénombre sur l'étang du parc de Suizenji. Pour souper, Erich mijote un espèce de ragoût composé des différents légumes achetés aujourd'hui. J'y apporte ma contribution en achetant un litre de shochu, un vin de pays très populaire dans les environs. J'achète la variante 'mugi', un alcool de blé dont le goût s'apparente à celui de la vodka, bien que le taux d'alcool ne s'élève qu'à 25%.

25%, ce n'est pas tant, mais la soirée avance et j'ai pas le temps de réaliser que je suis le seul à en boire. Une soirée plaisante je crois, mais... mes souvenirs sont assez flous. Le lendemain, en déjeunant, je suggère à Erich d'aller visionner un vidéo sur Youtube. Il me dit : « Tu ne te souviens pas? Nous l'avons regardé ensemble hier ». Ouch.

Mot du jour : no(mu) (verbe boire...) nonda = forme passée, takusan nonda (j'ai beaucoup bu), atama ga ittai desu (j'ai mal à la tête)

Foire aux échantillons


Je suis ... fourbu et je constate que j'ai environ une semaine de rattrapage à faire en ce qui concerne le blogue. Hier, je me suis souvenu de mon arrivée à Tokyo, il y a maintenant plus de deux mois de cela - j'ai à la fois l'impression d'en avoir fait beaucoup et d'en avoir fait peu. C'est drôle, on dirait que ce n'est pas le tant le Japon qui se transforme à travers les villes et les paysages que ma façon de les vivre et de les percevoir. Bon, commençons, maintenant que j'ai le temps de tout mettre à jour je ne vais pas vous emmerder avec mes états d'âmes.

Semaine dernière, Kumamoto, un jeudi? Peut-être. Quoiqu'il en soit, une journée un peu fraîche (on me dira plus tard que Kumamoto est la ville la plus froide de tout Kyushu) qui commence aux alentours des arcades de Kamidori et Shimodori. Ce matin, je pris soin de ne pas déjeuner; Erich, mon hôte, m'ayant prévenu de la tenue d'une foire aux produits locaux. J'y ai goûté (peut-être que le verbe 'déguster' serait plus approprié compte-tenu de la taille des échantillons) un espèce de ragoût, un onigiri fait avec du riz de la région, une tranche de melon et un jus de mandarine maison. Laissé sur ma faim, je me précipite au dernier étage de Tsuruya, un grand magasin. Là aussi, possibilité de goûter un peu n'importe quoi - une dame m'offre ce que je crois être un poudding, mais qui s'avère être une sorte de gratin de fruits de mer.

En après-midi, je visite le château de Kumamoto, l'un des trois plus grands du Japon. Je suis en train de boire un café réconfortant dans la cour principale lorsqu'un employé d'une cinquantaine d'années m'aborde. On converse un peu, en japonais, du mieux que je peux. Pour une raison que j'ignore encore, il m'invite à le suivre à l'intérieur. Que veut-il me montrer? Pas grand-chose, il faut croire, il m'amène dans la salle des employés. Sûrement, il ne voulait pas que je prenne fois.. ah la bienveillance nipponne! Pour le château, je crois l'avoir dans l'ensemble préféré à celui d'Osaka. Semblable, bien sûr, mais une exposition, à l'intérieur, plus sympathique. Il était aussi intéressant de visiter les pavillons adjacents, vraisemblablement désertés par les touristes nippons parce que mal éclairés et dépourvus d'artefacts d'époque, mais sans retouches ni tentatives de modernisations. Sur ce dernier point, je dois rajouter que ni le château ni les pavillons n'étaient chauffés et que, dans ces derniers, les visiteurs se doivent d'enlever leurs chaussures à l'entrée. Brr! Je vous jure, à la fin mes pieds étaient tout engourdis!

Retour à travers le parc aux oiseaux sauvages, à pied, jusque chez Erich qui revient du boulot une dizaine de minutes plus tard, suivi de Caroline, revenue de son expédition au Mont Aso. Erich me montre comment jouer à Shen Mu, jeux culte reconnu pour son réalisme. En fin de soirée, nous écoutons The Royal Tenenbaums, un film que je ne me lasserai probablement jamais de revoir.

OK, ça s'est bien passé! J'écris immédiatement le prochain!

Mot du jour : mihon (échantillon)

dimanche 23 novembre 2008

D'où viennent les ours?


De chez Chris, autobus jusqu'à Downtown Shimabara, puis traversier jusqu'au terminal de Kumamoto, « l'origine de l'ours ». Pendant la traversée, explosion de mouettes dans le ciel, encouragée par une trollée d'ornithologues néophytes. Du port de Kumamoto, il faut prendre le bus jusqu'à la gare centrale et je dois rencontrer Erich une station plus loin, à Kami-Kumamoto (Haut-Kumamoto). Dans la voiture, il y a aussi Caroline, une autre couch-surfeuse, qui elle aussi a visité Megan à Sasebo; elle y était une journée après moi. C'est qu'elle est occupée la Megan! Nous nous installons, nous faisons connaissance, puis nous allons bouffer un okonomiyaki - j'explique : nous nous asseyons les trois à une petite table, serrés les uns contre les autres, pendant que joue sur les haut-parleurs de la musique de Noël. Au centre de la table, une plaque chauffante. Sympa, je me dis, pourquoi ne pas faire la même chose au Québec? Erich me ramène tout de suite à la raison - un tel restaurant s'exposerait, dans la culture nord-américaine, à toutes sortes de poursuites. Les gens se brûleraient sur la plaque et traîneraient le restaurant en cours pour négligence. Bon. Maintenant, le okonomiyaki, queussé queu ssé? Ça vient dans un bol, comme une salade de chou. En fait, je crois que c'est du chou haché avec un oeuf cru sur le dessus et une garniture au choix (je prends au poulpe). Il faut alors mélanger le tout et verser la mixture sur la plaque. Après une dizaine de minutes de cuisson, l'on obtient un drôle de mélange entre une omelette et une salade de chou, que l'on rehausse selon notre humeur de sauces piquantes, sucrées, de mayonnaise ou de moutarde forte. Pas bête. Pas débile, mais pas bête.

Allez, j'ai beaucoup de rattrape à faire dans les entrées de blogue. Si je ne réussis pas à l'avancer dans les prochains jours, ne vous inquiéter pas tout va bien; j'ai touché aujourd'hui à l'extrémité sud du Japon (sans compter les îles de l'archipel des Ryukyu).

Tcho!

Mot du jour : kuma (ours)

mardi 18 novembre 2008

Les plages de Shimabara


Un peu de détente après les horreurs imaginées à Nagasaki, je me retrouve chez Chris, 23 ans et prof d'anglais pour le JET Programme, à Shimabara, petite ville reconnue pour sa proximité avec le Mont Unzen, volcan actif, mais apprécié pour ses sources thermales. Il vit dans un appartement, un peu style condo avec une chambre à coucher à l'étage, un salon, une salle de bain et une cuisine. L'appartement est sur le bout d'une falaise surplombant une baie bordée de plages. Vue imprenable. Vers 11h, je me dirige vers la station d'autobus pour voir comment me rendre sur le Mont Unzen. La dame m'explique qu'il faut que je prenne un autobus pour Obama (oui oui!) à 12h40 et puis que je transfère. Hm. En faisant le calcul, j'arrive au sommet à 14h et j'ai rendez-vous avec Chris chez lui à 18h, donc deux heures maximum au sommet. Je laisse tomber, je me dis qu'il faut mieux laisser faire et tenter de sauver un peu d'argent, la dernière semaine ayant été particulièrement cruelle à cet égard.

Je me balade donc sur la plage, dans parc de pins, en bordure de petits villages pas trop intéressants. C'est un peu frisquet. À 18h, je retourne chez Chris. Nous allons chez son ami Daniel pour une joute de Rock Band. Daniel doit bientôt quitter, mais l'avantage ici, c'est que personne ne doit verrouiller la porte de sa maison. Il nous laisse comme ça, chez lui, et on peut s'en aller quand bon nous semble. Ah, l'honnêteté des Japonais! à 19h, nous retrouvons Tim, un mélange entre John Lennon et Eric Idle (de Monty Python) au resto de ramen. Lui aussi doit partir tout de suite après pour un cours du soir. Qu'à cela ne tienne, Chris et moi allons nous payer quelques bières et nous passons la soirée à discuter pendant que Chris tente tant bien que mal de faire des brownies pour ses élèves.

Mot du jour : kaihin (plage)

Les ombres de Nagasaki


Aujourd'hui, détour obligé par Nagasaki. Deux heures de bus et je me réveille dans la ville qui fut rayée de la carte au mois d'août 1945. Ça fait un peu bizarre; ce n'est pas que la ville aie quelque chose de particulier c'est... justement, la ville n'a absolument rien d'extraordinaire. Sans connaître son histoire, il serait impossible de savoir que par un 9 août, le matin, la deuxième bombe atomique larguée sur le Japon a soufflé tous les bâtiments dans un rayon d'environ 3 kilomètres faisant instantanément plus de 75,000 morts et 75,000 blessés. Paraît que les scientifiques avaient prédits qu'il faudrait plus de 75 ans pour que la végétation réapparaisse et voilà que je me faufile entre les passants, les voitures, les bus, les machines distributrices, les grands magasins et les salles de pachinko.

Je ne veux pas m'éterniser ici, il faut que je sois à Shimabara en soirée et de toute manière, y'a pas grand-chose à voir à Nagasaki. Il y a bien sûr le Musée de la Bombe, là où je passe deux heures tellement c'est fascinant et bien expliqué. Tout sur le pourquoi, le comment, l'après. Le point de vue des Américains, le point de vue des Japonais, des témoignages de survivants. Saviez-vous que Kyoto avait été placée sur une courte liste de villes susceptibles d'être bombardées, mais avait été retirée à la dernière minute? Bien que la ville était parfaite de par sa taille, sa situation géographique et son implication dans l'effort de guerre, on craignit finalement que la destruction de la capitale historique et religieuse du Japon n'exacerbe l'amertume des Japonais envers de l'Amérique. Aussi, ce n'est que par malchance que Nagasaki fut bombardée. Les Américains avaient d'abord ciblé la ville de Kokura, dans le nord de Kyushu. Au moment de survoler la ville, les conditions météorologiques n'étaient pas idéales - trop nuageux. Nagasaki, c'était le plan B. Arrivés au-dessus de Nagasaki, les pilotes trouvèrent les mêmes conditions. Toutefois, lorsqu'ils étaient sur le point de rentrer à la base et de remettre la mission au lendemain, il y eu une brève éclaircie et la bombe fut donc larguée. Une question de secondes et de quelques nuages pour déterminer la vie de centaines de milliers de personnes.

Au sous-sol du musée, j'écoute le témoignage d'un survivant sur bande-vidéo. Âgé de treize ans, il était à l'école au moment de l'explosion, à 1,3 kilomètres de l'hypocentre. Gravement brûlé du côté droit, au visage, au bras, à la jambe, il réussit néanmoins à survivre jusqu'à l'arrivée des secours. À l'infirmerie de fortune, il fut rejoint par sa mère, saine et sauve, qui s'empressa de la ramener à la maison. Mais, sans les soins nécessaires, les blessures empirèrent : il raconte (désolé pour les détails, mais ça m'a marqué) qu'une grande quantité de pus commença à s'écouler de son oreille et que, plus les jours passaient, plus il dégageait une odeur abominable. L'odeur attira les mouches, qui, malgré toutes les attentions, se mirent à déposer des oeufs dans les plaies. L'homme raconte que sa mère enlevait chaque oeuf avec des baguettes avant qu'ils ne forment des oeufs. Finalement, il fut transporté à l'hôpital pour y recevoir des greffes de peaux ainsi que des traitements. Terrible comme histoire. Un peu secoué, je vais récupérer mon sac à la réception et j'y vois le même homme dont j'ai écouté le témoignage. Toujours la pleine forme, malgré ses 76 ans et le bandage autour de sa tête. Je le salue et il insiste pour que nous prenions une photo ensemble. Ça me fait tout spécial d'être là, à côté de ce survivant, témoin d'un moment-choc de l'histoire mondiale.

Après le musée, je me balade près de la cathédrale catholique, la plus imposante en Asie lors de sa construction et presque totalement démolie lors de l'atomisation. On peut encore y voir des statues de saints dont la surface a été noircie par la chaleur intense dégagée par la bombe. Plus loin, c'est le Peace Park, parc de dimensions modestes où siège une statue commémorative du triste événement : une statue à la grecque, toute en muscles et en formes, d'un homme pointant vers le ciel comme pour avertir les générations à venir du danger nucléaire. À quelques mètres, une colonne de marbre noir, sobre, indique l'emplacement exact de l'hypocentre. Encore là, tout le travail doit être fait par l'imagination parce que sinon, il est difficile de voir comment ce parc, ces arbres, tous ces gens, ces édifices de ce secteur somme-toute assez banal de Nagasaki, ont été complètement effacés il y a plus de 60 ans.

Mot du jour : genshibakudan (bome atomique)

dimanche 16 novembre 2008

Mystérieux déménagement


Quelle nuit de sommeil, mes amis! Un petit film pour s'endormir (Room 1408, un thriller horreur/fantastique adapté d'un roman de Stephen King) et un matelas soufflé à l'air hyper-confo. Le lendemain, après la douche matinale, je suis en standby, en attente de savoir quel est le plan pour la journée parce que, joie!, mes hôtes sont en congé aujourd'hui. Pendant que j'attends, Megan vient me voir et me demande si ça me dérange de refaire mon sac et de déménager chez elle. « Yeah, of course, no questions asked. ». N'empêche que c'est intriguant ce déménagement express qui ne semble pas avoir été prémédité. Tout ça ce n'est pas de mes affaires alors je me plie à la demande de Megan sans la questionner davantage.

L'appart de Megan n'est pas mal non plus, il faut l'admettre. Elle habite dans une résidence pour membres de l'armée, un espèce d'îlot où il est possible de vivre à l'américaine. Encore une fois, j'ai une chambre toute à moi. Nous allons nous chercher un lunch à l'épicerie. Après, nous escaladons le mont le plus élevé de la région. La voiture, ça donne une escalade rapide et efficace! Au sommet, il se met à pleuvoir. La vue est quand même superbe; on peut voir le port en tout petit, les collines avoisinantes et aussi les célèbres kyujukushima, ou « 99 îles », une constellation de petites masses verdoyantes émergeant hors de l'eau. Megan reçoit un appel - c'est Marcus. Nous devons le rejoindre au festival d'huîtres dans une vingtaine de minutes. Content de voir que le déménagement n'est pas dû à une friction entre les deux.

La pluie gagne en intensité, mais ça a peu d'importance, parce qu'au festival d'huîtres nous pouvons nous asseoir sous une tente. Voici comment se déroule les festivités : on se procure un sac d'un kilo d'huîtres ainsi qu'un couteau, une paire de gants pour la cuisson, un sac de charbon, deux limes et trois paires de baguettes pour la modique somme de 1,150¥. Ensuite, s'agit de se trouver un petit bbq installé sous une tente. Une fois le feu bien pris, les huîtres sont placées sur la grille. Elles seront prêtes à manger lorsque la chaleur aura provoqué leur ouverture. Délicieux!

Bien rempli, je rentre faire une sieste avant de ressortir en soirée. Megan et Markus tiennent à me faire goûter l'une des spécialités de la région - le Sasebo Burger. Eh oui! dû à la forte présence américaine dans la région, le hamburger est devenu l'un des mets les plus prisés. Un bon gros hamburger coulant, juteux, tendre et réconfortant. Pendant le festin, mes deux hôtes tentent sans succès de contacter de leurs amis pour une partie de billard ou une soirée de karaoke. Qu'à cela ne tienne, nous allons les trois au karaoke, une première pour Megan et Markus, un vrai baptême de feu! Nous profitons d'un forfait, ma foi, fort attrayant : 3,000¥/personne pour 4 heures de « all you can sing » et « all you can drink ». J'en profite pour faire le plein de souvenirs et de «kuronamabiru » (bière noire en fût) et le retour, c'était écrit dans le ciel, se fera en taxi.

Mot du jour : kaki (huître)

vendredi 14 novembre 2008

Prendre soin de son corps, suivi de L'Amérique, « ça c'est beau! »


Les Japonais ne semblent pas familiers avec le concept de chauffage. Bon, il
 est vrai qu'à des endroits comme Kyushu, où la température ne descends jamais vraiment en bas de 10°c en hiver, y'a pas besoin la plupart du temps, mais c'que les intérieurs peuvent être frisquets! Et moi, contrairement aux habitants de la place, je n'ai pas de pantoufles pour me réchauffer les pieds. Chez Julia, donc, ce n'est pas chaud et pour cette raison, ça dort extrêmement bien.

Je m'étais dit que je partirais à vélo vers 8h, mais j'ai fait la grasse matinée. 11h, je prends un sac de pain tranché et pars en direction de l'onsen (source thermale) que Julia m'a recommandé hier. Je le dép
asse, mais continue un peu plus loin sur la route 10 - les paysages sont franchement superbes. Au loin, je vois le Hachimensan, la « montagne à huit versants », une masse au contour étrange qui rappelle un peu celui de Ayers Rock. Je ne m'y rends pas, mais sur le chemin, je m'arrête près d'un champs de tournesol, à côté des poules, et puis en bordure d'un temple shinto près d'un étang artificiel.

Sur le retour, fourbu, je vais à l'onsen (Taiheiraku). Ma première fois! Alors on commence par se dévêtir au vestiaire et par prendre une douche pour se laver complètement. On passe ensuite aux bains qui ont chacun une température différente ainsi que des minéraux différents. 
Une douche pour enlever les minéraux et c'est le sauna, suivi d'un bain d'eau glacée (quand on ne sent plus les pieds, c'est le temps de sortir). Très agréable, mais si je dois avouer avoir eu une petite réticence à me foutre à poil en public. J'ai pas eu vraiment le choix! Comme je n'avais pas ma serviette, ils m'en ont prêté une qui était plus près d'une débarbouillette. Mais je dois dire que lorsque l'on s'habitue à la nudité complète en public, ça a quelque chose de libérateur et de pas désagréable du tout.

En soirée, j'accompagne Julia à son restaurant favori, où l'on peut prendre des petits plats à partager ainsi que des brochettes (j'essaie l' « horumon » - hormone -, intestin de porc). Matthew vient nous rej
oindre à la fin du repas. Lui aussi est un Australien enseignant l'anglais. Nous passons au deuxième arrêt, un petit bar à l'occidentale, style lounge avec ambiance feutrée. La spécialité de l'endroit est un espèce de poulet frit style kentucky, mais avec une saveur plus citronnée. Gras, fondant, salé, délicieux. Allez, un petit whisky pour faire descendre le gras.

Troisième arrêt, le pub karaoké. En comptant le barman, nous sommes sept dans le bar. Il y a nous trois, une fille sur son ordinateur portable assise au bar et deux buisnessman venus terminer leur journée 
ici. On chante un peu, je fais mes tounes faciles question d'avoir le meilleur pointage possible. Pourquoi? Ben parce qu'après avoir fait la chanson, la photo d'une fille apparaît à l'écran et plus on a été bon, plus elle se dénude. On ne verra qu'une paire de boules de toute la soirée. Quelle déception!

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Se rendre à Sasebo, prochaine destination, à partir de Nakatsu, c'est pas de la tarte. Il faut pour ainsi dire traverser Kyushu d'est en ouest. En tout, cinq heures de route. J'arrive à la station vers 20h, donne un coup de fil à Megan, mon hôte et elle me dit qu'elle peut venir me chercher une fois son film terminé. Je m'achète un muffin géant et l'attend.

Elle se pointe avec son copain, un trappu tatoué du nom de Marcus. Ils me disent qu'avant de retourner à la maison, ils doivent faire un détour par la base. La base? Quelle base? La base de quoi, de qui? La base militaire américaine, car Megan et Marcus, les M&Ms, travaillent tous deux pour l'armée américaine. Les États-Unis ont en effet un pied à terre à Sasebo à partir duquel ils effectuent des missions humanitaires en Asie du sud-est. Pour une quinzaine de minutes, donc, je suis en territoire américain! Là, tout fonctionne en dollar US, on y trouve des produits américains, des Taco Bell, etc, etc. À la base, il y a l'équipe de veilleurs de nuits, habillés en camouflage et sur les murs, des papiers officiels de l'armée américaine. Tu parles si j'avais pensé de me retrouver ici!

Nous allons chez Marcus, où habite aussi Megan. C'est une maison à l'occidentale et je me vois offrir une chambre toute à moi, super! Marcus m'invite aussi à boire autant d'Heineken qu'il me plaira parce que, voilà, il n'aime pas vraiment le goût. Je me mets au lit assez tôt et profite de ce moment de répit pour écouter un DVD sur mon ordinateur, un petit divertissement qu'on a pas souvent l'occasion de se permettre.

Ok, ciao! Désolé pour le style et les fautes, je suis très pressé, mais en même temps je ne voulais pas vous laisser sans infos trop longtemps!

P.S. J'ai mis à jour quelques anciennes entrées en ajoutant des photos.. Si ça vous dit, j'en ai mis de nouvelles à partir de « Hérésie au quartier de l'eau de thé ».

mardi 11 novembre 2008

Festin et Kyushu champêtre


Désolé, les entrées sont de plus en plus espacées. Vous comprendrez sûrement pourquoi - les déplacements deviennent plus fréquents, les journées sont plus chargées qu'elles ne l'étaient à Tokyo. Il faut sans cesse s'habituer à un nouvel environnement... Super!

La dernière fois que je vous ai laissés, je retournais chez Shohei afin d'y remplir mon nouveau calepin et de commencer la planification du reste du voyage. Shohei n'est pas rentré ce soir là, tout simplement parce qu'il travaillait toute la nuit dans un hôtel. Je l'entends donc rentrer vers 11h le lendemain. Pour le laisser dormir, je quitte tout de suite l'appartement sans de plan trop précis. D'abord, un lunch minute acheté à l'épicerie (une saucisse bâton, une patate crémeuse et une pomme, si vous tenez à le savoir) et je regarde ce qu'il y a autour de moi.

Shohei ne vit pas dans le centre d'Osaka. Pour se rendre à la station Umeda, située dans le coeur de la ville, il faut prendre un bus pendant 30 minutes, puis le train pour un autre 30 minutes. Le coin de Shohei, c'est mi-urbain, mi-rural; pas trop loin, il y a l'université d'Osaka. De l'autre côté, des collines. Je me demande s'il y a moyen d'y aller... Je marche un peu et vois une route qui semble s'y rendre. Sur le chemin, je m'arrête à un temple de montagne complètement désert, probablement parce qu'on est lundi. Je continue et la route se transforme en sentier.. pourquoi pas.

Alors je marche, je grimpe, pas trop loin il y a un hermite de montagne qui écoute la radio en contemplant le panorama urbain tout en bas. Le sentier s'arrête net, mais il semble y avoir quelque chose juste derrière les arbres. Je m'enfonce un peu plus et vois une espèce d'aire déserte avec deux ou trois bâtiments. Plus loin, sur la route, je réalise que je suis en plein milieu de nulle part et que je ne suis peut-être pas supposé être là. Mais le paysage est vraiment chouette, avec des routes qui serpentent au travers des collines. Je rentre.

Pour le souper, moi et Shohei sommes invités chez la tante de ce dernier. On arrête avant-tout acheter quelques fruits pour les remercier et nous voici arrivés chez eux. Au menu, du shabu-shabu, un espèce de bouilli hivernal. D'abord, un filet de poisson en sashimi, puis de petites fritures de poisson et le shabu-shabu peut commencer. Dans un chaudron disposé au centre de la table mijote un bouillon dans lequel chacun fait cuire, à la manière d'une fondue, des tranches de boeuf et de porc, des légumes, du tofu. L'aliment cuit est ensuite déposé dans un bol contenant de la sauce. Un vrai festin. Et avec des onigiri maisons en plus!

La tante de Shohei me demande où je veux aller au Japon. Je lui dis que demain, je pars pour Kyushu, mais qu'après je voulais aller voir les Alpes japonaises. Avant de monter au nord, je lui dis, je veux m'acheter au moins une tuque, un foulard et une paire de gants pour ne pas mourir de froid. Elle acquiesce et disparaît un instant et reviens quelques cinq minutes plus tard les bras chargés de vêtements. Elle veut me faire essayer un chandail, un foulard, des gants. Évidemment, je suis mal à l'aise et je demande à Shohei si c'est correct de me prêter à l'exercice. Il me répond que oui, n'y a pas de problème. Ce sont de vieux vêtements qui ne servent plus. Au final, je reçois un manteau, un foulard et une paire de gants. Ça me gène d'accepter tout ça, d'autant plus que je viens de manger comme un ogre, mais avec des finances serrées et une volonté d'en voir le plus possible, je pile sur mon orgueil et remercie de tout coeur mes hôtes si généreux.

Le ventre plein, heureux, nous retournons, moi et Shohei, à son appartement. Il est 21h environ... comment s'occuper le reste de la soirée? À la bière, voyons! Nous passons donc une merveilleuse soirée à nous enivrer en écoutant de la musique.

Le lendemain, je le consacre aux derniers préparatifs. Prise des messages, requêtes pour du couchsurfing (c'est vraiment pas évident magasiner les hôtes ici! Il y en a très peu et n'habite presque jamais sur la ville que je veux visiter). Je rencontre Shohei à la station Umeda à 18h pour les « au revoir », plus difficiles que jamais. On s'attache vraiment à rester 5 jours avec la même personne. Un amateur de jazz, j'invite Shohei à venir à Montréal l'été prochain pour le festival, on se promet toutes sortes de choses, mais c'est finalement l'heure pour la dernière accolade et le grand départ.

Je prends le traversier à Nanko, le port du sud. Destination? Kitakyushu, ville au nord de Kyushu, l'une des 4 îles principales du Japon, sa plus méridionale. Le traversier est un peu plus gros que celui pour Ohshima étant donné qu'il prend à son bord voitures et camions. Nous ne sommes que deux dans la cabine deuxième classe, deux sur une possibilité d'environ une vingtaine. À 7h du matin, je sors sur le pont observer la soleil se lever et illuminer la silhouette des montagnes à l'horizon et j'ai une pensée pour vous, au Québec, à Montréal, à 18h, après le boulot, l'université, etc.

Arrivée au port de Shinmoji (après une traversée de 12 heures), je dois prendre une navette gratuite pour la gare de Kokura. Là, c'est direct dans le train pour Nakatsu, une petite ville côtière en direction de Usa et Beppu, sur la côte nord de l'île. J'ai rendez-vous avec Julia, ma première hôtesse (!) à 13h, et je suis un bon 3h en avance. Je décide donc, malgré mes bagages, d'essayer de me rendre jusqu'à la mer, juste pour voir. Sur le chemin, je donne un de mes sablés au beurre à un chat qui le bouffe volontiers. Le temps d'aller jusqu'à la mer et de revenir, je n'en ai plus que pour une demi-heure à attendre Julia.

Paf, elle est là. 23 ans, une Australienne, toute chic dans un petit tailleur. C'est qu'elle est en pause de lunch - elle travaille comme prof de langue dans une école du coin dans le cadre du programme JET. Elle me donne un lift dans sa petite voiture et m'amène chez elle, plus loin dans la montagne. Très cool la place. Elle y vit seul et c'est sur deux étages, avec un salon, une cuisine, une salle de bain, une toilette, deux chambres. C'est dans le style japonais, mais on est loin des intérieurs exigus visités précédemment! Un petit tour du propriétaire et la voilà repartie pour les cours de l'après-midi. Je prends une douche vite fait et vais faire un tour de vélo dans les environs. Fantastique. La rase campagne. C'est vallonneux, verdoyant, ça sent l'automne. Y'a rien à foutre à Nakatsu, mais je crois que je vais adorer.

Ce soir, je bouffe avec Julia. Vers 20h, elle est supposée m'amener à son cours de tambour traditionnel japonais (désolé, je ne me rappelle plus du nom.. c'que j'me sens cruche!).

Et vous, quoi de neuf?

Mot(s) du jour :  inaka (campagne), jitensha (vélo), obasan (tante)

dimanche 9 novembre 2008

Ashiya et Amagasaki : Deux jours dulls dans deux villes dulls


Je ne m'attendais pas à grand-chose et c'est ce que j'ai eu. Hier, je voulais aller à Ashiya. Pour le commun des mortels, la ville n'a rien de spécial. Pour moi, cependant, elle possède un attrait particulier en lien direct avec mes recherches universitaires. C'est là, à l'été 1955, qu'a eu lieu l'« Exposition en plein air comme défi au soleil de plein été » du groupe d'avant-garde Gutai. On peut encore se promener là où l'exposition a été tenue, c'est-à-dire dans un parc peuplé de grands pins. Évidemment, l'endroit ne garde aucune trace de l'exposition maintenant légendaire - j'essaie de m'imaginer comment c'était pendant qu'une gang de détendus se font une partie de pétanque. Un peu plus loin, on peut visiter le Musée d'art et d'histoire de la ville d'Ashiya. Une salle seulement est consacrée à l'exposition, ce qui est un peu décevant. Le soir, je raconte mes aventures à Shoei. Pour maintenir son attention, je lui paie une canette d'un litre de bière Kirin.

Le lendemain, aujourd'hui, j'emprunte sensiblement le même chemin, car je veux aller à Amagasaki, ville natale de Shiraga Kazuo. Je ne pensais vraiment pas que c'était si près d'Osaka - à peine cinq minutes en train. Aussi bien dire que c'est en banlieue. Paraît qu'il y a un château vieux de quelques centaines d'années, mais je ne l'ai pas vu, même en regardant sur la carte. La ville n'a rien de particulier, ça ressemble à n'importe quoi. Je marche le long d'une avenue moche comme tout lorsque je croise un visage pâle, un occidental. Il me sourit, puis m'apostrophe : « Brazil? »
- Euh, no, Canada.

Il pointe un drapeau canadien accroché sur l'espèce de tricycle couvert qu'il pousse. Je réponds : « Aaa, Canada! »
- My name is Jean, qu'il me dit.
- Jean.. Québec?
- Oui, Montréal.
- Eh beh, moé itou!

Ahla, le premier Québécois que je croise et fallait que ça soit ici, en plein milieu de nulle part par un dimanche tout gris. Je lui demande ce qu'il fait à Amagasaki. Mais il n'a pas l'air de savoir exactement ce qu'est Amagasaki. Il me dit qu'il fait le tour du monde à pieds. Ah ben, ça c'est intéressant! On bavarde un peu et il me révèle qu'il est parti de Montréal il y a huit ans, laissant tout derrière lui. Il marche pour une cause en fait, il marche pour la « promotion d'une culture de la non-violence et de la paix au profit des enfants du monde » (vous pouvez vous renseigner sur sa démarche à http://www.wwwalk.org). En tout, un voyage de douze ans qui le mène sur tous les continents. Moi qui me pensais hot (c'est ça le mot qui manquait!) à partir 3 mois seuls au Japon, ça me fait me sentir pépère. On immortalise la rencontre en prenant quelques photos, une poignée de main bien sentie et on repart chacun dans une direction opposée. Gambatte kudasai, Jean, bonne chance.

Avant de quitter Amagasaki, je vois un Carrefour, une chaîne française de magasins grande surface. Je vais m'y balader; ça fait tout drôle de voir des affiches en français, des drapeaux. Ils misent à la fois sur le gros et sur l'exotisme. J'ai pu y goûter du fromage bleu! Pas de la grosse qualité, mais quand ça fait si longtemps qu'on a pas mangé de fromage, ça fait un bien immense. De retour à Osaka, je mange un gyûdon (lamelles de boeuf et riz) en teishoku (menu à prix fixe avec accompagnements) près de la gare d'Umeda. Après, je vais voir du côté de Shinsaibashi, une recommandation de Shoei. Il m'avait suggéré d'aller voir un magasin, alors je m'apprête à sortir mon calepin pour voir c'était quoi et je m'aperçois qu'il n'y est plus... Arg, j'ai dû le laisser là où j'ai rencontré Jean. Mer-deuh, c'est embêtant, j'avais tout mon itinéraire là-dedans, plus mon budget... Tout dépité (mais qu'est-ce que j'ai ces temps-ci à tout perdre et oublier?), je rentre à la maison. Sur le chemin, je m'achète un autre calepin que je m'amuserai à remplir toute la soirée.

Mot du jour : aru(ku) = marcher

vendredi 7 novembre 2008

Distraction fatale


Non, ce n'est pas le titre du film qui va passer à TQS cet après-midi. Faudrait plutôt y voir une tentative de dramatisation, ou d'accroissement du sensationnalisme, des titres des entrées de blogue, tel que le souhaitait ma chère soeurette. N'empêche que, il y a bel et bien eu une distraction et il s'en est fallu de peu qu'elle soit réellement fatale... ou disons, très incommodante.

Je quitte Kyoto jeudi, dis au revoir à Sho et Wataru. Avant de partir pour de bon, je fais un détour par le Kyotokokuritsuhakubutsukan. Pour faire plus court, il s'agit du Musée National de Kyoto. Au programme, des poteries Jomon, des sculptures bouddhistes de la période Heian, une bande dessinée datant du shogunat de Kamakura, de la calligraphie, des sabres. Classique, mais super bien et particulièrement intéressant lorsque l'on se retrouve dans le contexte. Je reprends mon sac et prends une marche vers la station Shijo, où je dois prendre la Hankyu Line vers Osaka.

Pas un gros périple : le ticket coûte environ 5 piastres et ça prend 45 minutes pour me rendre à l'autre bout de la ville. Incluant un transfert. Ah, ce transfert.. Station Awaji. Je sors du train, monte un escalier pour me rendre au bon quai et j'entends quelque chose tomber, un bruit sourd. Je m'arrête net, me retourne brièvement, regarde au sol, mais ne voit rien. Bah, on entend beaucoup de choses dans une station japonaise, c'est sûrement autre chose. J'oublie l'incident et me rends prestement à Kita-senri, là où j'ai rendez-vous avec Murakami Shoei à 19h.

Shoei arrive comme convenu, il est un peu enrhumé, mais quand même super enthousiaste à l'idée de m'héberger. Il est venu en scooter à la gare et me dit de prendre l'autobus pour qu'on se rencontre au terminal. Eh bien, pas très central son logement! Une vingtaine de minutes d'autobus et j'y suis. Il vit dans un un et demi, petit, mais fonctionnel. On s'ouvre quelques canettes et on jase dans la soirée.

Je m'apprête à aller explorer Osaka le lendemain matin. Je prépare mon bon veston : le portefeuille dans la poche intérieure gauche, le iPod juste en-dessous, le calepin dans la poche intérieure droite, le passeport aussi juste au cas, la caméra dans la poche dro... la caméra? Ah ouais, c'est vrai, je me souviens, je l'avais mise dans son étui, savamment accroché au sac de voyage. Bon voyons voir... Ben? Où est l'étui? Ben... merde... merde... MERDE. L'étui n'y est plus, il a dû se décrocher à un certain moment la veille. Ok, faut garder son sang-froid.

Je reprends l'autobus et demande au chauffeur s'il y a un service d'objets perdus. Il me tend un papier et me dis d'appeler ce numéro. Appeler? Et s'ils ne parlent pas anglais? Bah. Kita-senri, je vais au comptoir d'information et demande encore pour les objets perdus. La bonne femme me demande de décrire la chose. Exception faite du stress du moment, ça fait un bon exercice de japonaise. Bon, c'est une caméra grise, dans un étui noir, une Canon Powershot perdue hier soir à Awaji probablement. Elle fait quelques recherches et me montre un bout de papier sur lequel il est écrit Canon/19:05. Ah ouais, c'est probablement ça!

La bonne femme m'envoie à la station Umeda, là où il y a le comptoir principal des objets perdus. Là, je leur donne le numéro de référence de l'objet, remplis un formulaire et voilà! Elle est là! Intacte! Pour un soulagement c'en est tout un... Qu'on se le tienne pour dit, les Japonais sont honnêtes, très honnêtes. Mais quand même, j'ai appris ma leçon et je tâcherai de faire plus attention lors de mes déplacements.

L'après-midi, je visite le château d'Osaka, grosse structure maintes fois incendiée et reconstruite. De l'extérieur, ça a plutôt fière allure, mais l'intérieur est assez nul. Ils ont fait un musée qui est assez intéressant, mais qui ne tente en rien de reconstituer l'atmosphère de l'époque. Bah, quand même de belles vues sur la ville à partir de l'étage supérieur. Je retourne près d'Umeda, où la ressemblance avec les quartiers chauds de Tokyo est frappante : des restaurants partout, des arcades, des clubs de Pachinko. Je suis tenté par les odeurs, je me boufferais bien un petit katsudon (lamelles de porc sur riz), mais je ne peux pas - je vais au resto avec Shoei ce soir. Inspiré par les arcades, je vais dans un magasin de livres, DVD et jeux vidéos et joue gratuitement à Devil May Cry 4. Y'a quelque chose d'hyper satisfaisant à découper des zombies avec une longue épée.

Comme la veille, je rencontre Shoei à Kita-senri. Il m'amène dans un petit resto à l'intérieur de la station. Nous arrivons à 19h30 et la place est vide. Il me dit que c'est un genre de resto fréquenté par les vieux, quelque chose de traditionnel et de typique. Très particulier comme endroit : il n'y a pas de menu, tout ce qu'il y a à payer, c'est 2,500¥ et on a accès à absolument tout. La bière, par exemple, est en libre service - on se lève, et on va remplir sa choppe au fût. Le resto est tenu par le propriétaire seulement, une sorte de bouffon qui n'hésite pas à danser ou faire des gags pour divertir sa clientèle. Alors comme je dis, on n'a qu'à s'asseoir et le proprio fait le reste. Il nous amène l'entrée : une généreuse portion de thon cru extra frais et un morceau de porc frit bien tendre et gras. Après, il amène le petit four au charbon avec sur la grille une sélection de poisson : éperlans, calmar, poulpe, saumon et autres. Ensuite, une montagne de viandes, des bouts de poireaux, des tranches de maïs, une salade coréenne pour accompagner, des fèves salées pour la bière. Entre-temps, l'endroit se remplit, mais pas de vieux habitués comme Shoei me l'avait dit, mais plutôt d'étudiants. Bien vite, la bière aidant, tout le monde se met à socialiser pendant que le proprio prépare sa 'finale'. Il nous demande si on est prêt. Euh, oui. Il dit de nous mettre en position de réception. Ok, je suis prêt! Il se met à lancer des nigiri géants qu'il vient tout juste de confectionner. Wah, je suis plein - trop de nourriture, trop d'alcool! Il est 11h et c'est l'heure de la fermeture. Chacun a le droit de se prendre une glace dans le congélateur tout près de la sortie. Heureux, on attrape le dernier bus et on retourne chez Shoei boire une dernière bière afin de clore dignement cette soirée fantastique.

Mot du jour : wasuremono (objet oublié/perdu)
Ce que j'ai appris : Le chiffre d'affaire d'Osaka est un peu plus gros que celui de l'Australie. Mais ce n'est que la troisième ville en importance au Japon, derrière Tokyo et Yokohama. Ish.

mercredi 5 novembre 2008

Biches renversantes de Nara, splendeur automnale au Mont Hiei


Le roi est mort, vive le roi? Pendant que tout le monde salue l`election d`Obama, moi j`ai une petite pensee pour Bush et je dis ! Kin, aucune gentillesse, aucune politesse, scram pis qu`on ne revoie plus ta face de singe dans les parages. Bon, pas de politique aujourd`hui, je veux vous parler des belles affaires que j`ai vues, faites, bouffees, entendues, etc, etc. Comme pour la derniere fois, je ne ferai pas dans le detail et la fioriture. Je ne tape pas sur mon ordinateur, j`emprunte temporairement celui de Sho qui est a peu pres aussi gros qu`une calculatrice.

Hier, Nara etait au programme. Maintenant une ville de dimensions moyennes, Nara a ete la premiere capitale fixe du Japon. Pour faire un petit cours d`histoire, les Japonais pensaient autrefois que la mort de l`Empereur, divinite selon la croyance shinto, souillait irremediablement la ville. Le centre politique du pays se deplacait donc constamment. L`importation du bouddhisme via la Coree vers le huitieme siecle a contribue a changer cette mentalite et c`est ainsi que Nara devint la premiere capitale du Japon. Ce qu`il en reste surtout, c`est des temples, parmi les plus connus de l`archipel (les plus anciens aussi) et aussi une statue gigantesque du Bouddha.

Sho doit partir a Osaka assez tot, je me reveille en meme temps. Dans le train, je rattrape un peu mon sommeil. Je dois vous dire, hier ce n`etait pas du couchsurfing... techniquement, c`etait du floorsurfing. Ca fait l`affaire, mais les nuits sont courtes. Nara, donc. Les temples sont pour la plupart situes dans le parc de Nara, ce qui simplifie les choses. Il y a des cerfs apprivoises un peu partout. Au debut, ca fait assez special. Plus tard, ca devient un peu triste. Ils sont si apprivoises les pauvres qu`ils ne bougent pas trop, ils attendent seulement que quelqu`un leur offre de la nourriture. J`ai vu le gros Bouddha, qui reside dans la plus grande structure en bois du monde. Impressionnant, non? Eh bien, figurez-vous que le batiment n`est qu`une reconstruction aux deux tiers de la chose originale!

Je fais quelques autres temples et sors du parc pour me denicher un lunch dans un combini. Un onigiri, un sandwich aux patates et un lait de fraise plus tard et je me retrouve sur le sentier de montagne derriere le parc aux temples. Evidemment tres tranquille, on peut y voir des gravures dans la pierre datant du treizieme siecle. Sans rien enlever au circuit principal, ce sont ces petites apparitions imprevues qui justifient le deplacement. Un etang abandonne, plat, une montee, d`autres reliefs bouddhiques, une chute dissimulee, toute pour moi et puis des cerfs, sauvages. Lorsque je reviens, le soleil tombe sur Nara, les temples commencent a s`illuminer et une femme se fait renverser par un cerf devenu comme fou.

Les jambes en compote, je flane un peu. Je m`arrete dans une Zone Sega, pleine de jeux videos. Gab, si tu lis ce message, j`ai essaye de te gagner un theremin avec un genre de candy crane, mais j`ai echoue par deux fois... En soiree, je ramene un 'roppon' (caisse de 6) et je fais la conversation avec Wataru, jeune frere de Sho qui ne parle que quelques mots d`anglais. Sho arrive vers 21h30.

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Ma deuxieme nuit est un peu mieux. Je me suis arrange pour avoir moins froid et j`ai pu etirer mon sommeil un peu. Je fais mon lavage et vais rejoindre Sho a son boulot. Il travaille a temps partiel dans un magasin de vetements du cote de Teramachi. Je voulais m`acheter une tuque, mais ne trouve rien de particulierement seyant.

Direction Mont Hiei, montagne sacree aux abords du lac Biwa. Je commence l`ascension en debut d`apres-midi en bouffant des croustilles de poulpe en sauce. Ca grimpe, ca grimpe. Finalement, ca y est, le temple Enryakuji, chef-lieu de l`ecole Tendai. Mis a part les qualites esthetiques intrinseques de l`endroit, la visite m`est d`un interet tout particulier parce que Shiraga Kazuo, sujet de mon memoire, y est devenu moine. N`empeche que, malgre mon parti pris, le temple etait vraiment superbe, d`une part par sa situation - sur le flanc du Mont Hiei, a l`ombre d`une foret de pins geants et de feuillus multicolores, avec une pins vue imprenable sur les eaux claires du lac Biwa - et d`autre part par la repartition de ses ailes et pavillons. Et ca, ce n`est que visuellement. Le Enryaku-ji s`entend aussi, par ses jardins muets qui, parait-il, s`ecoutent avec l`esprit et par sa lourde cloche de bronze qu`il est possible de sonner. Un lourd *Dong* suivi du vide et l`echo qui revient tout en vibrations.

J`avais pense redescendre en telepherique (merde, comment ca s`ecrit!), mais je ressens une fois de plus l`appel de la nature. Le chemin du retour est plus perilleux que l`aller, surtout que le soleil tombe et que je suis sur la face ouest du mont. Disons aussi que la voie est hors des sentiers battus; je le realise surtout lorsque je debouche sur un terrain de baseball et que le chemin se termine entre le vestiaire des joueurs et la cloture longeant le terrain.

J`espere avoir pu vous communiquer partiellement les evenements des derniers jours, mais comme on dit, une image vaut mille mots et je suis presentement dans l`impossibilite de vous transmettre les photos... Ca viendra, faut garder espoir. Au pire on s`achete une caisse de 24 pis 3 sac de doritos pis on se tape le diaporama au retour?

Mot du jour : shika (cerf)
Mot du jour (bonus) : kakusama (client+forme de politesse)

lundi 3 novembre 2008

La turbulence des derniers jours


Vous aurez certainement pu deviner que ces derniers jours ont ete assez occupes. De l`incertitude, de l`inconfort, des hasards, de l`innatendu. L`aventure, quoi. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de dignifier ces quelques jours d`actions et de peripeties d`une entree adequate. Plus on ecrit, moins on a le temps de sortir prendre l`air, mais plus on vit, moins on a le temps des longs resumes et des descriptions qui n`en finissent plus. Alors voici en forme telegraphique les principaux evenements des derniers jours :

Samedi matin: c`est officiel, mon premier hote m`a laisse tomber. Resigne, je demande au receptionniste du J-Hoppers s`ils ontde la place ce soir. Niet. Je prends mon pack-sack et pars en quete d`herbegement. Tout est complet, partout. No vacancy. Une gentille serveuse au Gojo Guesthouse me suggere d`essayer la Uno House, mais que c`est un peu crade. Bah, a ce point ci. J`appelle, ils ont de la place, j`y vais.

Samedi apres-midi: je depose mes sacs et vais dans le parc des jardins imperiaux, tout pres de la Uno House. Des gens attendent derriere une corde. Je demande a un gardien pourquoi ils attendent. Il me dit que l`empereur devrait passer dans une heure. L`empereur? Ok, je prends une des meilleures places et j`attends moi aussi. Hourra, j`ai l`empereur en photo! La premiere fois que je vois un dieu devant moi, en chair et en os. Reviens a la Uno House pour souper.

Samedi soir: jase avec un Israelien d`origine ukrainienne. Le soir, on va se balader pres de Gion et dans les coins plus animes de la ville. Une quarantaine de personnes chantent dans la riviere, l`eau aux genoux. On va manger des vrais ramen. Delicieux. Valery, l`Israelien, s`achete une bouteille de sake qu`on se boit en escale dans differents petits temples. De retour au dortoir, mes co-chambreurs se font une petite soiree qui se termine a 2h+.

Dimanche matin: petit-dejeuner avec les chocolats que moi et Valery avons trouve trainant sur le sol a Gion (tout emballes). Puis, le bus jusqu`aux temples du Daitoku-ji. Temples, jardins Zen, etc. Apres, c`est le Pavillon d`Or. Tres joli, beaucoup de visiteurs pour l`admirer. Et des friandises en degustation.

Dimanche soir: autre sortie avec Valery, au Pavillon d`Argent via le chemin des philosophes. Super bien.

Lundi matin: rendez-vous avec Sho. Je m`achete un meronpan (melon pan) pour dejeuner. En traversant le pont, un milan (oiseau de proie) me l`arrache des mains. 10h10, je ne suis pas a la bonne station. Taxi. Sho est toujours la, super.

Lundi apres-midi. Kiyomizudera, le temple de l`eau pure, un cimetiere a flanc de montagne et retour par des arcades commerciales. Me bouffe un excellent katsudon avec le theme d`Evangelion en musique de fond.

Demain, Nara.

Mot du jour: boken (aventure).