mercredi 17 décembre 2008

C'est sans tambours ni trompettes que j'écris cette dernière entrée de blogue - je dois partir de chez Steve dans moins de dix minutes pour aller prendre mon avion à l'aéroport de Narita. Un gros merci à tous ceux qui m'ont lu, aux lecteurs actifs comme aux lecteurs silencieux. On se revoit à Noël et je vous raconte le reste du voyage!

Mot du jour : kae(ru) = rentrer

lundi 15 décembre 2008

Sauver l'environnement les poches pleines de cochonneries

Dès ce matin, après une nuit moins violente que je l'aurais imaginée (les trains..), je crois un Japonais dans la cuisine du Yadoya. Il se présente, Tadashi c'est son nom, et tout de go, il me demande si ça me chante de l'accompagner à une espèce de foire aux produits écologiques sur l'île artificielle de Odaiba. Uhhh *me frotte les yeux* okay. Nous partons 15 minutes plus tard. Très sympathique ce Tadashi, un anglais irréprochable, 26 ans, très allumé, très ouvert. Lui veut aller à la foire pour ramasser des pamphlets et, possiblement, établir des contacts d'affaire. Moi, je ne fais que le suivre comme un chien de poche, heureux de me faire traîner à cet événement, ma foi, intéressant, mais où je ne serais jamais aller autrement. Surtout, c'est gratuit! Même la navette qui part de la gare de Tokyo est gratuite! 

À l'entrée du hall d'exposition (G-I-G-A-N-T-E-Sque), il y a la machine à café la plus évoluée qu'il m'ait été donné d'essayer. Tout est informatisé, on choisit l'intensité du grain, la part de crème, de sucre, etc, etc. Pour ce qui est de l'expo en soit, c'est assez chouette : à chaque stand, ils remettent un questionnaire qui, une fois rempli (que les réponses soient exactes ou non!) donne droit à un petit cadeau. Alors pendant que Takashi s'intéresse aux innovations écologiques, moi comme un bambin, je ramasses les cochonneries. C'est pas ma faute à moi si tout est écrit en japonais et que je n'ai pas les connaissances nécessaires pour tout comprendre!

De retour au Yadoya, Takashi et moi tentons de cuisiner, mais l'expérience n'est pas toute à fait couronnée de succès. Suite à cet échec, je me tape une petite séance de télévision japonaise. D'ordinaire nulle à chier, le Yadoya a le satellite - j'écoute donc du Mah-Jong professionnel ainsi qu'un combat de lutte féminine avant d'aller me mettre à l'horizontale.

Mot du jour : kotatsu (table basse chauffante dont je vous ai parlé, mais dont le nom m"échappe à chaque fois.. sorry, aucun lien cette fois!)

Et on ferme la parenthèse!

Je suis venu à un cheveu près d'intituler l'entrée « Le retour du flâneur », mais je crois que je me serais dégoûté moi-même en faisant référence à Beau Dommage... une autre fois peut-être! Dans une vingtaine d'années peut-être! Mais c'est quoi cette histoire de parenthèse? C'est que, voyez-vous, je viens de revenir à Tokyo, j'ai l'impression de boucler la boucle, que ce petit tour du Japon « yinqu'su'ne gosse » n'était qu'une sorte de.. poupée russe, une boîte dans une autre boîte. Donc, je referme la parenthèse et je reviens sur les lieux de mes premières aventures avec le sentiment d'en avoir fait autant que je le pouvais.

Au début, j'étais supposé faire un arrêt à Utsunomiya qui, sur la carte, se situe à mi-chemin entre Tomioka et Tokyo. Cependant, en allant vérifier les horaires et les tarifs de train, je réalise que ça va prendrait soit : 4 heures de train et 3,800¥ pour Utsunomiya, soit 4h de train et 4,000¥ pour aller directement à Tokyo. Hmm. Si je choisis d'aller à Tokyo, je n'ai pas d'hôte parce que c'est très difficile d'en trouver et je suis un peu à la dernière minute. D'un autre côté, je n'ai qu'une nuit d'hébergement garanti à Utsunomiya. Ah, pis au y'ab les p'tites villes de crotte, j'en ai soupé des villes gravitant autour de leur pachinko et où y'a des boules de foin et de poussière qui flottent d'un bord à l'autre de la rue principale - je veux revoir les lumières de New Edo! Hop, une petite réservation dans l'auberge la moins chère de toute la ville et me voici dans le train à mijoter « le coup du gaijin ».

Ouais, ouais, je vous explique ce qu'est le « coup du gaijin », mais avant, je tiens à vous dire que c'est la première fois que je tente l'expérience et que c'est une chose à tenter qu'en derniers recours; je me sentirais trop mal d'abuser de la confiance de ces braves Japonais. C'est qu'il est vraiment facile de « frauder » les systèmes de transports en commun ici. Il n'y a pas de contrôles de billets dans les trains locaux. Donc, il s'agit d'acheter un billet d'une station seulement à la station de départ, le composter et entrer dans le train. Selon les distances, il peut y avoir plusieurs transferts à effectuer - l'important est de rester dans les trains locaux, et non les « limited express ». À la gare d'arrivée, aux tourniquets à la sortie, prendre un air innocent et oublier tout son japonais et dire que le billet est introuvable, qu'il a dû tomber quelque part. À ce moment, le préposé demandera qu'elle était la station de départ : lui répondre sur le ton d'excuse que c'était la station précédente, ou une station pas trop loin pour ne pas trop pousser l'audace. Le tour est joué. Finalement, je n'ai même pas eu à mettre le plan à exécution parce qu'en arrivant à la gare de Kita-senju, j'ai pu tout de suite aller aux lignes de métro et sortir de la station sans être contrôlé. Je me sens tout mal, mais je me dis que l'argent économisé m'aidera à payer mes deux nuits au Yadoya Guesthouse.

La chose intéressante à propos du Yadoya Guesthouse (mis à part le prix d'entrée dérisoire.. presque inquiétant), c'est qu'il se situe dans un coin de la ville où je n'ai jamais mis les pieds, Nakano, « arrondissement » à 5 minutes en train à l'ouest de Shinjuku, donc assez central. Je fais mon check-in et je demande à l'employée où se trouve la chambre. Elle délègue un petit bonhomme (un petit teigneux!) pour m'indiquer l'endroit. Nous sortons de la réception, nous retournons sur l'avenue principale, vers la gare. Le dortoir est à quelques 15 minutes de marche de la réception! C'est un vieux bâtiment collé sur la ligne de chemin de fer : à chaque passage de train, l'édifice vibre. À part ça, la cuisine est grosse comme mon cul (excusez les gros mots!), mais somme toute plus conviviale et surtout plus propre que celle du Crib. Le dortoir, à huit lits, est plutôt exiguë, mais le lit est confortable. C'est jouable.

Comme la faim me saisit vers 17h, je sors et explore un peu les environs. Pourquoi pas essayer d'aller à pied à Shinjuku, sous cette presque pleine lune? Sur le chemin, je m'arrête au Yoshinoya pour un bon gyudon. Me voyant peiner avec les baguettes, le serveur en chef a le culot de me proposer une fourchette - je suis un peu gêné et un peu fâché. Je suis parfaitement capable de manger avec des baguettes, c'est juste que j'ai eu le loisir de remarquer que ma technique n'avait rien d'élégant, un peu comme ma façon de tenir un crayon. À chaque repas, j'essaie donc de me corriger et ça me fait paraître plutôt nul. À Shinjuku, ça me fait plaisir de retrouver la foule, les lumières, le son. Je prends un moment à m'imbiber de tout ça pendant qu'un écran géant crache « Poupée de cire, poupée de son ». Peu après, je me dis que ce serait chouette de retourner en haut de l'observatoire des Metropolitan Towers pour avoir une vue de Tokyo toute illuminée en ce vendredi soir. Ouaip, ça en vaut la peine, là, c'est la Tokyo futuriste telle qu'on la voit dans les films.

Ouaip, ça fait plaisir d'être de retour en ville.

Mot du jour : ohashi (baguettes)

samedi 13 décembre 2008

Nouvelle formule avec maintenant 20% de vraies aventures!


Je ne veux pas passer pour le gars blasé, je sais que j'ai une chance inouïe de pouvoir flâner comme ça dans tout le Japon à rencontrer des gens, voir des lieux, etc, mais je sens l'énergie et la volonté diminuer. Le Japon, c'est diversifié, mais extrêmement homogène, vous savez? Une ville japonaise, que ce soit au nord ou au sud, ça reste une ville japonaise, avec ses pachinko, ses karaokés, ses restaurants, ses combinis.. Je recommence à reprendre une routine, avec un déplacement aux deux jours, un nouvel hôte qui enseigne l'anglais. Peut-être qu'il est temps que je rentre à Tokyo. Je reste donc jusqu'au début de l'après-midi chez David, il n'est pas aller au boulot parce qu'il ne peut tout simplement pas se tirer hors du lit. Ça m'embête un peu de le laisser comme ça, mais je voulais voir Sendai avant de partir. Ça me semble être une ville agréable pour y vivre, mais question tourisme, y'a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Je me balade dans les arcades commerciales afin de voir si je ne pourrais pas penser à quelques suggestions pour Noël. Difficile de penser à quoique ce soit : si j'ai des idées-cadeaux, c'est pour des trucs qu'on ne peut se procurer qu'ici. Bah.

J'arrive à Tomioka en soirée. À la gare, je suis abordée par une étrangère qui me demande si j'attends quelqu'un - c'est elle aussi une enseignante d'anglais, une Néo-Zélandaise. Elle connaît mon prochain hôte, Scott Walkington (un Français!), qui débarque quelques minutes plus tard. Scott, visiblement heureux de pouvoir converser en français avec quelqu'un, m'amène au bar Kookai et me paie la traite; les employés du bar comptent parmi ses meilleurs amis. Au bar, ils ont une machine qui fait un col parfait à une Guinness « flate » avec des micro-vibrations, vous avez déjà vu ça? Au retour, il me fait écouter Mon voisin Totoro, un film d'animation du grand Miyazaki (et, paraît-il, le anime le plus adulé de tous les temps).

Le lendemain, Scott prend le temps de m'amener à la plage de Tomioka sur le bord du Pacifique. Je vous ai dit qu'il faisait infiniment plus chaud sur le rivage oriental du Japon? Au moins cinq degrés de différence en tout temps, à la même latitude. La plage de Tomioka est assez chouette en soi, avec des falaises escarpées et des paysages qui rappellent le Rocher Percé (oui oui!). Sur midi, nous allons bouffer chinois.. bouffer chinois au Japon, une première! Un petit café au village électrique (une reproduction des maisons de Pierre et Marie Curie et Einstein) et Scott doit rappliquer au boulot. Pendant ce temps, je vais me claquer un onsen réflexif à Yonomori, le « bois de la nuit », lieu de la plus grande allée de cerisiers du Japon (impossible, bien sûr, de les observer en hiver).

Mot du jour : chuuka ryoori (cuisine chinoise)

vendredi 12 décembre 2008

Matsushima eh.. e-eh, Matsushima, eh.. Matsushima, eh..


Matsushima, « Îles de pins », c'est l'un des trois plus beaux panoramas du Japon. Basho, le célèbre poète, aurait écrit : « Matsushima ah! A-ah, Matsushima, ah! Matsushima, ah! », comme foudroyé par la beauté du site, tant que les mots ne peuvent la décrire. Ça vaut donc la peine d'y faire un petit détour, non? Surtout que c'est à 20 minutes de Sendai en train. Le problème c'est que, con comme je suis, je ne planifie pas trop mes affaires et je débarque à la station Matsushima, un peu à l'écart des sites touristiques. La bonne station, c'est Matsushima-Kaigan (rivage), mais ça, je ne l'apprendrai que plus tard. Ça me prend donc une bonne demi-heure de marche à travers le port et les innombrables restaurants d'huîtres fraîches avant d'arriver à quelque chose qui ait de l'allure. Je traverse un long pont vermillon qui se rend jusqu'à une île, la Fuukura-jima. De là, on a quelques bonnes vues sur les petits îlots recouverts de pins de la baie de Matsushima. Ça ressemble à une bonne vieille peinture de paysage à l'encre. Mais.. je sais pas.. c'est peut-être moi, peut-être que c'est le ciel gris, lourd et éblouissant, mais je me sens tout bof, si bien que je n'apprécie peut-être pas autant que je l'aurais dû, ou que je me serais l'imaginer le faire. C'est très joli tout ça, et c'est probablement dans mon « top five » de trucs vus au Japon, mais ça manque de.. ça manque de naturel je crois. Les plus beaux panoramas, ce sont ceux que l'on se crée nous-mêmes, à force de marche, d'efforts, pas ceux qu'on nous donne tout cuit dans le bec. Le Japonais moyen préfère cette expérience, je crois, celle d'aller avec la masse dans un endroit pré-défini, devant la beauté, mais loin de l'inconnu. Je me traîne ensuite jusqu'au Zuigan-ji, un temple pas mal du tout, mais qu'il me faut visiter à la hâte à cause du retard que j'ai pris précédemment.

Avant de rentrer chez David, j'arrête à la gare de Sendai - je lui avais promis que je ramasserais deux ou trois trucs pour le souper. J'achète donc des pâtes, une baguette, un camembert et un pâté (merci pour les magasins d'importation!). Un petit souper tout à l'européenne, mais bon dieu que ça fait du bien! David me fait découvrir quelques comédies britanniques avant de se mettre au lit - il est tout ankylosé, tout fatigué, c'est un bon rhume qui se prépare.

Mot du jour : chiizu (fromage)

De nouveaux sommets


Un petit au revoir tout endormi, mais très senti à ce cher Adrian avec qui je me suis super bien entendu - à moi maintenant d'aller vers de nouvelles aventures. Se rendre à la gare de Sakata, déjà, c'en est tout une. Pas que ça soit compliqué, non, mais je suis un peu serré dans le temps et j'y mets 40 minutes d'un pas très vigoureux. Je saute dans le train d'un bon acrobatique et j'éponge la sueur sur mon front. Entre Sakata et Sendai, ma nouvelle destination, j'espère faire un arrêt à Yamadera, un autre lieu qui porte si bien son nom (« temples de montagne »). Je fais un transfert d'une demi-heure dans une ville couverte de neige, juste le temps d'engloutir une ramen au torimotsu. « Tori », c'est volaille, mais « motsu », je ne savais pas trop.. ben je sais maintenant ce sont les parties « autres » du poulet, genre les abats, le foie, des os mous. Pas ce que l'on pourrait appeler de la grande gastronomie, mais ça se bouffe.

J'espère trouver Yamadera sous la neige, mais ça fond à vue d'oeil ; la neige ne tient probablement jamais très longtemps à ce temps-ci de l'année. Lorsque j'y arrive finalement, on dirait que je viens de déboucher au printemps, dans une journée du début d'avril : un grand soleil bien chaud, un peu de neige collante au sol et de la flotte. Faut faire attention parce que les temples de Yamadera, à flanc de montagne, sont à l'ombre d'une forêt de pins géants - de temps à autres, de lourds projectiles mouillés viennent s'abattre à mes pieds. Le site en soi est franchement quelque chose. Il faut gravir plus de 1,000 marches (paraît-il, je ne les ai pas comptées) avant d'atteindre le point d'observation le plus haut. Du sommet, on peut voir la vallée emmitouflée dans les montagnes, toute enneigée comme un village de Noël avec sa ligne de train qui la pourfend. Ma seule déception c'est qu'aujourd'hui les temples sont fermés (lundi), je n'ai donc pas pu voir la fameuse flamme apportée il y a plus de mille ans par un moine de l'Enryaku-ji.

Reste que, malgré toute la beauté du site, ça ne sert à rien de s'y éterniser plus de deux heures. C'est donc avec un peu d'avance que je débarque à Sendai, le temps de flâner un peu dans les kiosques de bouffe et les magasins d'importation. Je bouffe des pringles malais et bois une liqueur hawaïenne. Je rejoins finalement David et n'ai aucun mal à le repérer - c'est le gaijin de 6 pieds 3, un Britannique. Un court arrêt chez lui pour déposer mes affaires et nous allons boire une bière en regardant le « skyline » de Sendai à partir du site de l'ancien château.

Mot du jour : yuki (neige)

jeudi 11 décembre 2008

Les lendemains de veille japonais


Qu'est-ce qu'ils ont de si différents les lendemains de veille japonais? Kyle de Takayama, je m'en rappelle, s'était réveillé un bon matin en les maudissant et voilà qu'Adrian, lui aussi, se met à les damner. Un lendemain de veille, c'est un lendemain de veille, non? C'est international? À en croire mes gentils hôtes, la gueule de bois nipponne serait plus vicieuse, plus incisive. Dans l'état dans lequel je suis, ces questions de variations ne m'intéressent que très peu, j'essaie d'abord de retrouver mon aplomb. Je vous épargne les détails de cette lente ré-éducation à la vie normale... oh, et puis non, parce qu'après tout la journée y fut consacrée. D'abord avaler quelque chose : Adrian se traîne à la cuisine en début d'après-midi pour y faire un udon, soupe de nouilles épaisses, mais ni l'un ni l'autre sommes capables d'en avaler plus que quelques bouchées. Un peu d'air frais : Trish, une amie rencontrée la veille, nous amène au parc principal de Sakata. Laite à mort. Les arbres sont morts, le sol est mouillé, le ciel est gris. N'empêche que la promenade nous ravigote et nous allons bavarder un peu dans un café du coin, devant lequel nous sommes assaillis par une « soccer mom » voulant pratiquer son anglais. Je me laisse tenter par un sandwich grillé fromage bacon (ça te replace un estomac, ça!) qui contient à ma grande surprise des tranches de bananes. Quand nous sommes suffisamment revigoté, nous pouvons faire un onsen pour finir de nous retaper. C'est là, bien sûr, que je pique une jasette à poil avec Adrian- nous parlons un peu de la question de la métaphysique bouddhiste. Un curry (crevettes frites, poisson frit, mozzarella fondu nappé d'une sauce au curry et tout ça sur un matelas de riz.. ridicule) et nous sommes de retour chez Adrian en bien meilleure forme que nous l'étions un peu plus tôt, mais quand même très fatigués. Allez, cette nuit ce sera du couchsurfing et non du couchpassingout.

Mot du jour : futsukayoi (lendemain de veille)

Le jour le plus long


« Dans la mythologie japonaise, les mauvais esprits se trouvent au nord-est. » C'est ce que m'avait enseigné un écriteau près du château de Kumamoto. Eh bien, c'est précisément là où je vais aujourd'hui, au nord-est, dans le Tohoku, il me sera alors donner de vérifier si ce que l'on dit est vrai. S'y rendre, d'abord, c'est toute une histoire. Comme d'hab, je dois prendre les trains locaux pour économiser un peu d'argent ; mais qui dit trains locaux dit très long et très pénible. Au total, j'aurai à transférer 6 fois et la plupart du temps dans des bleds infâmes. Pour les amateurs de statistiques, ça me prendra finalement 12h30 pour me rendre à destination dont 4 heures en transit. Deux choses, peut-être, à retenir de ce périple : d'abord l'hôtel désaffecté visité dans une ville de transit balayée par le vent. Un hôtel tout abandonné, mais dont on n'a pas fermé les issues. Il est encore possible de se balader à travers les décombres, les meubles démolis et les miroirs fracassés dans une atmosphère de post-jishin (tremblement de terre). À part ça, la neige qui se met de la partie au fur et à mesure que j'avance vers le nord. La neige, la grêle, puis rien, puis re-la neige, si bien que lorsque j'arrive à Sakata (« Champs de riz pour le saké »), ma destination, - maudite? -, la ville est couverte d'un glaçage neigeux. Adrian m'y accueille : « Il est moins dodu que sa photo couchsurfing le laissait présager », que je me dis. Adrian est un Irlandais à la bouille fort sympathique et un visage un peu dégelé par la bière, parce que lui et une poignée de ses amis JET sortent tout juste d'un karaoke nomihodai (consommations à volonté). Je fais alors connaissance avec une bande de joyeux lurons imbibés pensant déjà à leur prochaine destination, le bar Raja. Mais pour s'y rendre à ce Raja, c'est un peu compliqué, principalement parce que, bien qu'il y ait une voiture, il n'y a pas de conducteur désigné. Ils me demandent si je sais conduire, si je ne pourrais pas les amener à bon port. Après un moment à peser le pour et le contre et de finalement m'être laissé convaincre par l'offre collective de me payer les consommations pour toute la soirée, je conviens finalement de tenter ma chance (ce qui est tout à fait illégal, mais... bon, faut bien vivre bordel). C'est donc sous la neige, dans une voiture qui ne m'appartient pas peuplée de cinq anglophones rencontrés pour une première fois et qui essaient de me parler simultanément que je conduis pour la première fois de ma vie sur la gauche. Tout se déroule sans accrochages et /// je reprends connaissance tout habillé sur le futon d'Adrian.

Sakata porte bien son nom.
Putain, Sakata porte bien son nom.

Mot du jour : hidari (gauche)

mardi 9 décembre 2008

Ashikaga


Journée à la température incertaine tout de même consacrée à un peu de randonnée plus ardue que prévue. Ashikaga est à environ une dizaine de kilomètres de Honjo, mais je dois aller transférer à l'autre bout du monde et ça me prend finalement trois heures pour m'y rendre. Là, il y a la Ashikaga Gakko, une des plus, sinon la plus ancienne école du Japon ayant été fondée au huitième siècle. Pour ma part, fidèle à mes habitudes, je vais me perdre dans un sentier de montagne traversant un croissant de collines parsemé de petits temples et autels. À Ashikaga, on peut encore voir les koyo ou feuilles d'automne. Le ciel s'assombrit et la piste augmente en difficulté - je ne blague pas, ça frôlait parfois l'escalade. J'entends quelque chose bouger dans la forêt, probablement un sanglier. La pluie commence à tomber ; je suis protégé par les arbres, mais le sol va bientôt devenir glissant, je ferais mieux de rentrer. Sur le chemin du retour, j'aperçois un shack désaffecté avec une chèvre à l'intérieur, à travers toute sorte de débris.

Le soir, Eddie m'amène au Studio Boogie où j'assiste à son enregistrement en me tapant quelques canettes. Il fait ses chansons en version acoustique pour ensuite pouvoir les apprendre à son groupe. On ne rentre pas trop tard parce que demain, oh oui!, l'enfer m'attend!

Mot du jour : gakko (école)

lundi 8 décembre 2008

Tête de crevette


Je vais vous dire franchement, je n'ai pas grand-chose à raconter sur cette journée. Je quitte le domicile d'Erika assez tard, d'abord parce que ma prochaine destination n'est pas très loin, ensuite parce que je veux vérifier quelques trucs sur internet, ce que je n'ai pas toujours le loisir de faire. Je me retrouve donc à la gare de Honjo (préfecture de Sataima) sur les vingt heures, ayant fait un peu de pratique pour ma journée de vendredi - vous comprendrez plus tard - et Eddie, mon hôte, vient me chercher à la gare accompagné de son ex-petite amie. Eddie, un Américain de Phoenix, m'indique à ma grande surprise qu'il n'est pas un professeur d'anglais. Plutôt, il est venu au Japon pour faire de la musique. En effet, il fait partie d'un groupe et compose la plupart des chansons, il m'invite même à assister, jeudi soir, à l'enregistrement de quelques nouvelles pièces. Entre-temps, nous allons boustifailler quelque peu. Eddie (son nom d'artiste) commande des ebi-furai, de grosses crevettes panées. Il se demande s'il osera manger la tête. Manger la tête? Je lui dis que s'il le fait, je le fais aussi. Et voilà qu'avant de le réaliser, nous sommes en train de mastiquer la grosse tête croustillante de la crevette avec les pattes, les énormes yeux noirs, et dieu sait quoi. Pas mauvais. Une autre bière chez Eddie, quelques épisodes de South Park et hop! au lit. Une journée d'exploration m'attend demain.

Mot du jour : ebi (crevette) atama (tête)

Subaru in the Sky With Diamonds


Que de changements au programme! La première idée, c'était d'aller au Onsen des Singes - une source thermale où les singes vont faire trempette en hiver. J'y tenais vraiment, mais la question budget m'a arrêté net ; en tout, la journée m'aurait coûté $80 et, à ce point ci, je ne peux pas me le permettre. Ensuite, je m'étais dit que je pourrais aller à Bessho Onsen, un ancien village reconnu pour ses sources et ses temples et ensuite aller faire un tour à Nagano en après-midi. Mais, encore une fois, le jeu n'en valait pas la chandelle et puis on m'a dit que Nagano, exception faite du temple principal, n'était pas exactement un 'must-see'. Tant pis, il me faut bien quelques raisons pour revenir au Japon.

Le matin, j'aide Erika à dégivrer les vitre de sa voiture et elle vient me reconduire à la gare de Nakagomi. Mon train est dans une demi-heure. Ce qui est intéressant, c'est que la gare n'est pas chauffée (comme beaucoup de choses au Japon il faut croire). Plutôt, il y a une sorte de foyer central autour duquel les gens se massent, plutôt sympathique. Je fais un transfert à la gare de Ueda, là où à ma grande surprise l'affichage est en japonais d'abord, puis en français (je ne sais toujours pas pourquoi... les jeux olympiques, peut-être?) et j'arrive à Bessho Onsen vers 11h. Une journée grandiose avec un ciel tout bleu et tout ouvert et une température qui monte, une fraîcheur d'une journée d'avril. Je prends d'abord une heure pour aller me promener du côté des temples, qui sont très chouettes. Des trucs vieux d'un millénaire. J'y vois même la seule pagode octogonale du Japon (chaque temple a une particularité, pas toujours intéressante, qui fait son renom). Après les temples, c'est l'heure des bains. Je fais le « bain de la roche », une petite institution très traditionnelle : pas cher, tout petit et ça sent le vrai. Par chance, je suis le seul au bain qui, de toute façon, pourrait contenir environ cinq personnes au maximum. Comme ça m'a coûté 150¥, je ne m'efforce pas de rentrer dans mon argent outre-mesure et je me dirige rapidement vers un deuxième onsen, presque voisin du premier. Celui-ci se nomme le « bain des moines » et on le reconnaît à son odeur de souffre, d'oeufs pourris. C'est un peu comme le sirop pour la toux qui fait sa promotion en vantant son goût horrible (si ça goûte mauvais, c'est que c'est efficace). L'odeur infernale de l'eau garantie en quelque sorte ses effets bénéfiques et, au moins, il est possible de se doucher après le bain (ce qui, on m'a dit, n'est pas possible dans tous les onsen).

Revigoté, j'entreprends le « hiking course » en après-midi. Environ deux heures de marche à travers ce que les Japonais nomment le « Kamakura (vous vous souvenez?) des Alpes ». Des montagnes à gauche, à droite, des paysages qui n'en finissent plus, impossibles à prendre en photo parce que trop vastes et des temples en retrait, abrités par la forêt. Lorsque je rentre à Saku, il est 19h et tout de suite, avant même de souper, je pars avec Erika en direction de l'Astrodome, un observatoire. Le ciel était si dégagé ces dernières nuits qu'on s'était dit qu'il fallait absolument aller le voir de plus près. On a donc eu droit à un présentation tout en japonais sur les différentes étoiles, planètes et constellations, dont Subaru, qui est un terme japonais ancien désignant la constellation de la Pléiade. Même sans télescope, le ciel était fantastiquement clair, même qu'on a eu droit à quelques étoiles filantes. Inoubliable.

Mot du jour : hoshi (étoile)

dimanche 7 décembre 2008

Shinpai shimasen

Ne vous inquietez pas, tout va bien. C'est seulement que je n'ai pas eu l'occasion de mettre le blog a jour ces derniers temps - et aujourd'hui n'est pas une exception. Demain, peut-etre, ou apres-demain. Entretemps, je voulais tout de meme vous donner davantage de precisions sur mes activites des derniers jours, j'elaborerai un peu plus lorsque cela me sera possible.

- mercredi, je suis alle a Bessho Onsen, petite localite dans les montagnes, non loin de Nagano. Vieux onsen traditionnels et balade dans les villages avoisinants. Le soir, vais regarder les etoiles avec Erika.
- jeudi, quitte pour Honjo. Bouffe des tetes de crevettes avec Eddie, mon hote rockeur.
- vendredi, passe la journee a Ashikaga, me balade sur un croissant de collines, de la flotte, de l'escalade. En soiree, j'assiste a une seance d'enregistrement d'Eddie.
- samedi, le jour le plus long : depart pour Sakata, huit heures de train, quatre heures en transit. Arrivee a Sakata sous la neige, je bois un peu trop en compagnie d'Adrian et de ses amis, retour, ma foi, extremement penible.
-dimanche, le lendemain de veille m'empeche d'escalader le mont Haguro. Je passe la journee avec Adrian et son amie Trish. Je peux rayer " discuter philosophie a poil avec un Irlandais " de ma liste de choses a faire.

Demain je vais sur Sendai, je commence tranquillement a redescendre vers Tokyo.. Plus qu'une semaine et demie.

Fran

mercredi 3 décembre 2008

À la recherche d'Asama (t'as pognes-tu)


Moi qui, au départ, ne voulait que visiter Nagano pour en avoir déjà entendu parler (ben, les Olympiques de 1998 tsé), je me suis laisser prendre hier soir dans un tourbillon de recommandations de choses à faire et à voir dans le coin. Un des amis d'Erika m'avait vivement suggéré d'aller me balader dans le coin du Mont Asama un volcan enneigé d'où s'échappe constamment un filet de fumée blanche. Il y a un sentier qui part de Karuizawa, un resort alpin et qui se rend au pied du dit volcan, parce qu'il est impossible d'en faire l'ascension (c'est l'un des plus actifs du Japon).

Avant, je dois faire ma lessive, je suis au bout de mes vêtements (même que je dois mettre le même t-shirt qu'hier, ish). Pour ce faire, je vais à la buanderie du coin. Mais toutes ces aventures rocambolesques me mettent en retard, si bien que je suis à Karuizawa vers 13h. Le soleil se couchant vers les 16h30, ça ne me laisse que très peu de temps pour entreprendre le parcours, qui fait 10KM. Néanmoins, je me dis que je vais essayer d'en voir le plus possible et j'entame donc une marche assez vigoureuse merci. J'arrive au sentier vers 14h00. C'est plutôt triste, je suis entre deux saisons : les arbres sont effeuillés, mais la neige est encore très rare. Ce qui est doublement décevant, c'est qu'à partir du sentier, je n'ai pas du vues sur Asama, même si je sais que j'en suis très près. Au final, j'ai le temps de voir une chute et je dois rebrousser chemin. Sur le chemin du retour, j'aperçois un sanglier sauvage qui bondit dans la forêt. Au début, je suis émerveillé, mais je me demande : « Et s'il se mettait à charger dans ma direction? ».

Et bien voilà, c'est pas mal ça. Ça ne fait pas un récit grandiose, mais il en faut bien de ces journées un peu moyennes. Au moins, j'ai pris un peu d'air frais et j'ai fait un peu d'exercice.

Mot du jour : inoshishi (sanglier) ou aussi yamakujira (« baleine de montagne »)

J'ai vu les « jo » du Japon


Dans un appart pas chauffé, avec des nuits frôlant le zéro celcius, le lever peut être particulièrement brutal. C'est bien beau dormir au chaud sous trois épaisseurs de couvertures dans un sac de couchage, mais faut bien s'en extirper le matin venu pour se traîner jusqu'à la douche. Ouais, parce que ce matin, j'ai décidé de me lever tôt, en même temps que Kyle qui doit aller bosser. J'ai vérifié les horaires d'autobus et le premier départ en direction de Matsumoto est à 7h50. J'arrive « ben flush » à la station et saute dans le bus pour un trajet de deux heures et demie d'émerveillement et de torture.

D'émerveillement et de torture? Be, pourquoi? Parce que les paysages sont sublimes; l'autobus passe dans un tunnel et, de l'autre côté, on a fait un bond de deux mois dans le futur - le flanc des montagnes est tout de blanc drapé et, de la route sinueuse sur laquelle nous roulons lentement, nous avons des vues incomparables sur le paysage à la fois calme et démonté, comme un océan en tempête, mais sans la violence. La route est par endroit glacée, tout est enneigé. La torture dans tout ça? La torture c'est que, encore un peu fatigué, je ne peux empêcher mes yeux de se fermer, je cogne des clous et pourtant j'essaie de résister.

À Matsumoto, ville encerclée par les Alpes japonaises, je me dirige tout de suite vers le château. Un de plus, mon troisième. Pourtant, celui-ci m'intéresse un peu plus; je me dis que du haut du dernier étage, on doit avoir une vue splendide des environs. Je dépose mon sac à la boutique de souvenirs (petite parenthèse pour dire à quel point les boutiques de souvenirs sont nulles au Japon... ni classe, ni kitsch, on y retrouve toujours les mêmes items, soit des boîtes de biscuits et autres friandises) et constate immédiatement que le château de Matsumoto se laisse photographier; tout en bois noir, ce qui lui confère une allure d'authenticité, il s'élève devant des cimes aux neiges éternelles et sous un ciel bleu azur. Le seul ennui c'est que, contrairement aux châteaux de Osaka et de Kumamoto, le dernier étage de celui de Matsumoto n'offre pas des panoramas sur la région : les fenêtres sont à demi-fermées, à demi-grillagées. Au moins je peux dire que j'ai vu les « jo » du Japon.

En début d'après-midi, je commence à marcher vers la 254, la route en direction de Saku, ma prochaine destination (Saku! Saku! Saku!). C'est que je veux faire du stop parce que sinon, il m'aurait fallu prendre un train jusqu'à Nagano et y transférer, trop long et trop cher. Sur la 254, à 40 minutes à pied du château, je marche une demi-heure et m'arrête une première fois à un endroit de choix. Je vois passer vingt-cinq voitures et continue à marcher. Un deuxième essai, vingt-cinq autres voitures (il passe environ 2 voitures à la minute), toujours rien, je continue. Troisième essai, vingt-voitures, non plus. Je m'apprête à poursuivre mon chemin et voici que la soixante-seizième voiture vient se garer tout prêt de moi. Le voici, mon lift! Deux gentilles femmes avec qui je bavarde un peu et qui m'apprennent un nouveau mot de japonais, celui pour « crépuscule », parce que je m'extasie devant le spectacle des couleurs du soleil couchant, couché, presque, et des montagnes qui n'en finissent plus de se déployer à l'horizon.

Elles me laissent au Jusco, un centre d'achat de Saku. Je m'achète une paire de gants au magasin à 100¥ et j'attends 18h pour donner un coup de fil à Erika. Elle vient me chercher et nous allons au restaurant pour fêter le départ de l'un de ses amis qui s'apprête à quitter le pays (Erika est une JET, tous ses amis sont des JET). C'est un restaurant de sushi sur convoyeurs. Si on voit quelque chose d'appétissant, on prend l'assiette. Une assiette, c'est deux morceaux de sushi pour la modique somme de 100¥, ce qui n'est pas si mal, même si les sushi sont, disons-le, de qualité moyenne. C'est un genre de fast-food de sushi.

Mot du jour : yuuyake (crépuscule)

mardi 2 décembre 2008

Restituer / Reconstituer


Hier soir, Kyle était sorti prendre un verre pour fêter le départ de l'un de ses amis JET. Je ne l'ai pas entendu rentrer. Ce matin, il est un peu à l'envers - c'est le lendemain de veille. En l'attendant, je regarde ma partie du Canadiens sur internet, quel bonheur! Puis, vers midi, il semble filer un peu mieux et nous allons bouffer un ramen dans une marmite. Plus tard, Danae nous reconduit jusqu'au début d'un sentier touristique parcourant les principaux temples de la région. Nous avons de la chance parce que nous sommes seuls, personne pour déranger nos flâneries. Danae, après son lavage, nous rejoint à la fin du sentier. Tous les trois, nous allons au village de Hida, une reconstitution d'un village de montagne traditionnel, pendant que quelques flocons viennent se poser sur le sol. En fait, le village n'est ni original, ni fabriqué de toutes pièces : on a pris des maisons authentiques et on les a disposés de manière esthétique. C'est bien, surtout que nous sommes les seuls touristes sur place. En soirée, Kyle va faire une partie de basketball avec quelques amis. Moi, je m'organise pour souper pour pas trop cher : deux cannes de thon en miettes sur du riz. Aussitôt rassasié, je sors faire mes derniers adieux à Takayama, une ville chaleureuse aux dimensions humaines (ce qui n'est pas donné à toute ville japonaise). Sur la rue principal, devant un pub, un visage occidental m'aborde. Je m'arrête, le gars me demande si je ne voudrais pas rentrer prendre un verre. Ah ben oui, pourquoi pas. Et voilà que je me retrouve avec trois Australiens à discuter autour d'une bonne bière. Pourquoi pas, eh?

Mot du jour : mura (village)

Un curry n'attend pas l'autre


À propos de la bouffe japonaise, je dois dire que ce qui m'a le plus étonné, c'est l'omniprésence du curry. À croire, presque, que c'est un plat traditionnel tant il est partout! Il y a des fast-foods spécialisés en curry et même que la section consacrée aux préparations de curry dans les supermarchés est d'égale dimension de celle dédiée aux soupes instantanées. Personne ne m'avait dit à moi que le curry faisait le régal des Nippons (avoir su, je l'aurais mis dans le petit sondage de crotte..)! Eh bien, aujourd'hui, j'ai eu l'occasion de manger du curry à deux reprises; une fois au dîner et une autre au souper et ce, dans une nouvelle ville, Takayama (« Grande montagne »).

De Nagoya à Takayama, en bus, je me laisse enchanter par les paysages - je pénètre dans les Alpes japonaises, que d'excitation! Arrivé à Takayama sur les 13h, je téléphone à Kyle, mon hôte, lui qui a eu la bonne grâce d'accepter ma requête couchsurfing il y a à peine 4 jours (je lui avais demandé il y a un mois, mais il était en Corée, je crois). Moi qui avait presque fait une croix sur l'idée d'aller à Takayama, quel plaisir de m'y retrouver enfin, même si c'est un peu frisquet!  Mais, la ville, qu'a-t-elle de si particulier? On dit d'elle que c'est la « petite Kyoto dans les montagnes » (un peu comme, en Europe, Amsterdam est la Venise du Nord et Budapest la Paris de l'Est) - on y retrouve en effet une jolie collection de temples très prisés par les touristes ainsi que de vieilles rues commerciales le tout dans un décor des plus enchanteurs.

Ai-je besoin de vous dire que Kyle est un JET? C'est un Américain qui nous vient de Columbus, Ohio (fervent partisan des Buckeyes, l'équipe de football universitaire de Ohio State) qui a fait son bac en japonais. Il est donc parfaitement bilingue, ce qui est assez impressionnant à entendre. Il vient me chercher à la gare avec l'une de ses bonnes amies, Danae et nous allons tous ensembles à un restaurant qui lui a été recommandé par un professeur avec qui il travaille. C'est un restaurant indien spécialisé en curry où il est possible de choisir l'intensité de son assiette. Trouvant les curry japonais doux (ce qui est vrai - rien de très épicé dans la bouffe japonaise en général), Kyle choisit l'intensité supposée « étonner même les Indiens » tandis que moi et Danae, méfiants, choisissons parmi les échelons inférieurs. 

Pendant que mon hôte et son amie vont faire un tour à la bibliothèque municipale, j'explore le centre-ville de Takayama. Zigzagues d'est en ouest, du nord au sud en ratissant nonchalamment une perle de ville qui, tout compte fait, mérite bien sa réputation de petite Kyoto : ça faisait des semaines que je n'avais pas pris tant de photos dans une seule journée. Je rentre vers 18h et retrouve Kyle en train de s'amuser avec un jeu de football sur console. Merde ce qu'il peut faire froid dans son appart! Il fait une dizaine de degrés dehors (et ça descend vers le zéro durant la nuit) et l'appart n'est pas chauffé! Heureusement, il y a la table à café chauffante, une merveilleuse invention. C'est une petite table basse carrée munie d'une couverte; pour s'en servir, il n'y a qu'à glisser ses jambes sous la couverte et actionner l'interrupteur, un vrai charme. 

Pour souper, Kyle fait dans le simple : je lui fournis des carottes, il va acheter des oignons et il refait un curry, cette fois à la japonaise. Comme le curry est assez doux, ça ressemble davantage à un ragoût. C'est soutenant, c'est chaud, ça fait du bien.

Demain, Takayama deuxième partie!

Mot du jour : kaare (curry)

dimanche 30 novembre 2008

Nagoya en bleu, noir et blanc


Une fois à Nagoya, je réalise qu'il n'y a pas tant de choses qui m'intéressent. C'est la quatrième ville en importance du pays, après Tokyo, Yokohama et Osaka, mais son histoire est assez banale. Il y a le château, mais j'en ai ras la calotte des châteaux nippons, pour la plupart démolis dans les deux derniers siècles, puis reconstruits et convertis en centres d'interprétation. Je vais donc au centre-ville, à l'est de la gare, au sud du château. J'y trouve « Central Park », une longue tranche boisée bordée par de petits commerces et restaurants. Au milieu, une grande tour à la Tokyo Tower, un poste d'observation pour avoir une vue des environs. Aussi, une insistance sur le fait que Los Angeles est la ville jumelée à Nagoya. Los Angeles par-ci, Los Angeles par-là, c'est qu'ils en sont vraiment fier. On peut même y voir des reproductions des fameuses dalles étoilées d'Hollywood signées par les stars. Mais le clou de la journée, c'est le ciel, tout bleu par endroits, tout blanc ailleurs avec des manifestations de noir disséminées un peu partout, avec comme résultat un éclairage exceptionnel. Malheureusement, quelques gouttes commencent à tomber et je décide de rentrer tôt afin de, oui, mettre le blog à jour et de continuer les planifications pour le couchsurfing de fin de voyage.

Mot du jour : ao(i) (bleu), shiro(i) (blanc), kuro(i) (noir)

samedi 29 novembre 2008

Errance électronique pour adresse non divulguée


Du bateau à l'autobus, qui transfère au tramway d'Osaka et changement pour le métro. Près de la station d'Umeda, je dois absolument trouver un café internet : mon hôte de ce soir ne m'a toujours pas donné son adresse. Un peu par chance, je tombe sur quelque chose de pas mal - c'est que je n'avais jamais vraiment prêté attention aux cafés internet comme je n'ai pas eu besoin de les fréquenter. Toujours aucune réponse; je lui renvoie un message sur un ton un peu plus insistant. 10 minutes plus tard, je suis ressorti et je cours m'acheter un billet d'autobus pour Nagoya - 5 minutes après, je suis en route vers ma nouvelle destination. Ça fait un sacré bout de chemin depuis Miyazaki!

Arrivé à Nagoya, sans hôte, sans dîner, je vais d'abord m'acheter quelque chose à grignoter, je lis un peu ce qu'à à dire mon guide de voyage sur la ville (pas grand-chose, eh) et je vais au International Center. De là, on peut accéder à internet.. et oui, j'ai eu une réponse entre-temps, avec des coordonnées et une heure de rendez-vous! Ça me laisse tout de même l'après-midi à flâner. Je vais dans le coin du château : pareil à celui d'Osaka et Kumamoto, je ne sens vraiment pas le besoin de visiter. Je déambule dans les parcs autour, lis un peu et pars un peu à l'avance rencontrer Ryoko, mon hôte(sse).

Comme de raison, elle est retenue par son travail et je dois l'attendre encore un peu. Mais elle arrive finalement, cette europhile - car, oui, Ryoko est fascinée par tout ce qui touche à l'Europe, son appartement prenant presque la forme d'un cabinet de curiosités. Elle essaie d'y aller une fois par année, pour le plaisir. En soirée, elle m'aide à préparer des dumplings, un régal, et m'invite à profiter du lit perché tout en haut de son appartement, comme un nid retiré et secret dont le seul accès possible est par une échelle assez raide. Ô combien apprécié après une journée de déplacements, de stress, d'incertitudes et d'attente.

Mot du jour : kokusai (international)

Loin de la pêche miraculeuse!


Rien de très compliqué aujourd'hui, seulement une chose à faire : prendre le traversier de Miyazaki à Osaka. Je ne me sens pas trop coupable d'abandonner Miyazaki comme ça, sans visiter. À la base, je n'étais même pas supposé m'y rendre et puis, ça m'a tout l'air d'une ville d'été, un genre de Miami-light pour les Japonais qui n'ont pas les moyens d'aller jusqu'à Hawaii ou Okinawa. Un seul regret, peut-être, celui de ne pas avoir pu visiter les environs, car la région a l'air riche en paysages pittoresques, en coulées de lave solidifiées, en crevasses et en anciens tumulus de la période Kofun. Dès le début de l'après-midi, j'entreprends une longue marche jusqu'au terminal de traversiers de Miyazaki. Le prochain, et unique, bateau quitte à 19h, j'ai donc quelques heures à tuer. Pas assez d'énergie pour retourner en ville, ni d'activité excitante qui me procurerait cette énergie. Je vais donc me promener près du bateau, qui est déjà le long du quai et un peu plus loin dans le port. Sur le bord de l'eau, plusieurs voitures sont garées - les lignes sont à l'eau. La plupart du temps, ils sont deux : un qui surveille les lignes, l'autre qui fait la sieste. Je me balade pendant une heure près des pêcheurs et jamais je n'en ai vu un attraper quoique ce soit, pas même une botte ni une vieille boîte de conserve! Je m'installe moi aussi près de l'eau, me confectionnant une sorte de fauteuil de fortune avec mes deux sacs et mon veston. Si confortable.. et le soleil qui me chauffe juste un peu. Je m'endors.

Lorsque je me réveille, il ne reste qu'une heure et demie à attendre avant le départ. À la levée de l'ancre, je ne prends même pas la peine d'aller jeter un coup d'oeil à l'extérieur. C'est dommage ce soleil qui se couche à 17h, pour plus d'une raison. Non, plutôt je reste confortablement allongé sur mon matelas deuxième classe à regarder des films sur l'ordinateur avant que les lumières ne s'éteignent.

Mot du jour : tsuri (pêche)

vendredi 28 novembre 2008

Partir sur un 'nowhere' au pays du 'anything goes'


La veille, avant d'aller au lit, Kris m'avait promis qu'il essaierait de voir s'il était possible qu'il se libère dans les prochains jours afin de m'amener directement à Miyazaki, car il possède une deuxième maison pas trop loin où il va surfer. Le matin, tout déconfit, il me dit que non, ce ne sera pas possible, il doit être au travail. Moi, évidemment, je n'en demandais pas tant alors ça ne me dérange pas trop, mais ça aurait été quand même bien d'aller passer un ou deux jours sur le bord de la mer. Il tient à se faire pardonner en m'offrant un petit-déjeuner américano-japonais : un bagel, du riz et du café. Et le riz.. quel riz! Je commence à manger et me demande comment il s'y est pris pour obtenir ce goût subtil... qu'est-ce qu'il a bien pu y ajouter? Il n'y a pas de secret : il me révèle que c'est un riz  qui vient du coin et qui vient tout juste d'être récolté, un de ses élèves lui en a offert.

Kris tient quand même à me conduire le plus loin possible et m'amène donc à Miyakonojo, la plus grosse ville des environs. Fort de mon expérience de la veille, je m'apprête à faire de l'auto-stop et commence donc à marcher le long de la route menant à Miyazaki. Il fait super beau, le soleil plombe, mais ce n'est pas trop chaud, 25 degrés en plein soleil, moins d'une vingtaine de degrés à l'ombre. Le problème, c'est que Miyakonojo n'en finit plus et je ne peux tout de même pas faire du pouce en plein centre-ville. J'aperçois des indications pour une halte routière. J'ai lu que c'est généralement un bon endroit pour demander un lift. Je me pose, observe les plaques d'immatriculations qui indiquent la préfecture où a été enregistré le véhicule; c'est divisé entre Miyazaki et Kagoshima en parts presque égales. Je demande à trois.. quatre, cinq personnes dans quelle direction ils vont, mais je ne me sens pas super à l'aise d'approcher les gens de cette façon. J'abandonne et poursuis mon chemin sur la route principale qui ne tarde pas à se transformer en autoroute. Merde.

Je vois qu'il y a moyen de contourner l'autoroute par des chemins de campagne. À ce point-ci, deux choix s'offrent à moi : retourner sur mes pas pour prendre un autobus express en direction de Miyazaki ou contourner l'autoroute pour trouver un bon coin pour du stop. Je choisis le deuxième en espérant qu'au pire, il me sera possible d'attraper un autobus un peu plus loin. Je contourne, zigzaguant encore et encore sous l'autoroute pour enfin me retrouver dans un village pas trop loin. Éreinté, un peu désespéré parce que le soleil commence à tomber à l'horizon, un enfant m'aborde, me demande où je vais. Je lui dis Miyazaki. Il me demande : « Comment »? Je lui réponds.. je ne sais pas, il y a un bus dans le coin? Non, pas de bus. Pas de chance. Je continue quand même et je vois que la route commence à être plus propice à l'auto-stop.

Je dépose finalement mon sac, habille mon visage d'un grand sourire à la fois cordial et épuisé et... 10 minutes plus tard, je suis dans la voiture de mon nouvel ami, Tanaka-san. Il me dit qu'il peut m'amener jusqu'à Miyazaki, mais qu'il a à faire dans la prochaine ville. Il me dépose au Seven Eleven où je l'attends une demi-heure et le voilà qui revient. Une heure plus tard, nous sommes en plein coeur de Miyazaki, près de la gare d'où j'appelle James, le contact que Kris m'a donné un peu plus tôt. Malheureusement, James, qui est sur Couchsurfing.com, reçoit déjà quelqu'un et ne peut donc m'héberger. Qu'à cela ne tienne, je m'informe sur les différentes possibilités d'hébergement à Miyazaki et constate que l'auberge de jeunesse reste l'option la moins chère. J'y mettrai l'argent économisé aujourd'hui en transport.

Signe que je suis hors-saison : nous sommes deux personnes à l'auberge. Ma chambre est immense, ce qui n'aurait probablement pas été le cas au moins de mai. Le deuxième visiteur, un Japonais, m'interpelle rapidement en voulant visiblement pratiquer son anglais. Je me prête à l'exercice du mieux que je peux, même si je suis crever de cette journée de marche et d'imprévus. Comme pour me récompenser, il m'offre une poignée de chocolats et de biscuits.. awwww.. Je conclue ce 'nowhere' en me goinfrant dans une vaste salle complètement déserte et en mettant à jour les blogues.

Mot du jour : ushi (vache .. j'en ai vues aujourd'hui)

Un pouce en or


Être hébergé chez une famille avec des enfants en bas âge, ça du bon, y'a de l'activité, ça court partout, mais impossible de faire la grasse matinée! Toute la ménagée se réveille donc en même temps, et nous passons, nous sept, à table pour le petit-déjeuner. Chacun déclare ses intentions : Derrick et Naoko doivent aller à l'école pour aider des étudiants à préparer un examen d'anglais, Stéphan et Miléna, eux, iront vers Sakurajima pour y passer la nuit. Moi, eh ben, il faut que je sois à Miyazaki dans deux jours, entre temps, je n'ai pas vraiment de plan. Derrick me dit qu'il a un ami à Iwagawa, une toute petite ville à mi-chemin entre Kinko-cho et Miyazaki et qu'il peut le contacter pour lui demander de m'offrir l'hospitalité. Bon, c'est ça de gagner. Reste le problème de comment s'y rendre parce que, je le répète, je suis au beau milieu de nulle part. Encouragé par Stéphan et Miléna, deux pros de l'auto-stop, je décide de m'y essayer pour une première fois. Derrick me promet de me conduire à Kanoya, une ville à partir de laquelle je serai en ligne droite pour Iwagawa.

Avant, cependant, j'accompagne la famille à l'école. Pendant que Naoko et Derrick donnent leurs cours chacun de leurs côtés, ma mission est, d'une part, de rester près de Zen, ce qui n'est pas sorcier étant donné qu'il est juste assez vieux pour apprécier les jeux vidéos et, d'autre part, d'aller jeter un coup-d'oeil à l'extérieur de temps en temps pour m'assurer que Luka roupille toujours dans la voiture. Après un certain moment, Derrick m'invite dans sa salle de classe pour que les étudiants puissent me poser des questions et mettre à l'épreuve leurs connaissances en anglais.

Vers 15h, les Kennedy m'amènent à Kanoya et me déposent près d'un supermarché. Le ciel se couvre, quelques gouttes tombent. Ça n'augure pas très bien, mais je garde le moral - entendre les récits d'auto-stop de Stéphan et Miléna m'ont donné confiance. Je me réfugie donc au supermarché pendant une quinzaine de minutes et l'averse passe. Je commence à marcher le long de la route en direction de Iwagawa. Ça me prend quand même un moment avant de me sentir assez confortable pour tendre le pouce. Il faut avant tout chose trouver l'endroit idéal : dans une ligne droite pour que les conducteurs me voient de loin et près d'un accotement pour qu'il puisse s'y ranger. Je trouve finalement mon coin. Je dépose mon sac et le dispose de façon à ce que le drapeau canadien soit clairement visible. Je m'arme de mon plus beau sourire et de l'attitude la plus positive qui soit et tient, d'une main, une pancarte sur laquelle il est écrit : « Miyakonojo no homen, nihongo dekiru! » (En direction de Miyakonojo, je parle japonais!). 

10 minutes plus tard, je suis en voiture avec un homme d'une soixantaine d'année qui s'empresse de m'offrir 150¥ pour que je puisse m'acheter quelque chose à boire dans une machine distributrice. On bavarde un peu; la conversation est sommaire, mais je connais tout juste assez de japonais pour combler les silences. Le soleil se couche et je suis à Iwagawa. D'abord, je ne réussis pas à rejoindre Kris, l'ami de Derrick, mais ce dernier m'avait dit qu'il travaillait jusqu'à 21h. Le Japonais qui m'a reconduit s'inquiète un peu, mais je lui dit qu'il n'y a aucune problème et que je vais être 'ok'. Ça me fait quand même trois heures à tuer... Que faire? J'explore un peu les environs, mais c'est sombre et sans intérêt. Je trouve finalement une grande surface et je m'installe sur un banc devant pour y lire et y écouter de la musique. Après une heure, un jeune homme d'une vingtaine d'année m'aborde, sans arrières-pensées, il veut tout simplement converser. Il parle un anglais sans faute et même qu'il peut compter en français et dire quelques phrases simples! Junji, c'est son nom, m'explique tout plein de choses sur la culture japonaise, sur la grammaire et, finalement, m'offre un CD (gravé) d'un groupe de chanteurs nippons. 

Tout ça fait que je ne vois pas le temps passer et qu'il est déjà neuf heures. J'appelle Kris et il vient aussitôt me chercher au supermarché. Un Américain, mais de descendance asiatique, qui vit dans le sud du Japon depuis une dizaine d'années. Lui aussi a une petite famille et une école privée d'où il donne ses leçons. Je dis adieu à Junji et embarque avec Kris. Sans être trop au courant du Couchsurfing, il m'offre l'hospitalité en s'excusant de ne pas pouvoir passer davantage de temps avec moi. Un homme exceptionnel, un de plus, si attentionné et généreux avec qui je passe une bonne heure à bavarder du Québec et du Japon avant d'aller au lit.

Mot du jour : kuruma (voiture)

mardi 25 novembre 2008

Aventures du bout du monde


Se lever avec le soleil, y'a qu'ça d'vrai. Je serai honnête avec vous, cette demi-nuit passée assis, affaissé, sur une chaise de plastique de ce terminal de traversier de Kagoshima, ville jumelle de Naples, ne fut pas la plus réconfortante de ma vie. Mais y'a pas que le confort dans la vie, il y a les expériences nouvelles, les expériences desquelles on ressort grandi, ou du moins changé, ayant appris à garder son sang-froid et son optimisme dans les situations les plus stressantes. Apprendre à faire des choix, à prendre des décisions et à les assumer jusqu'au bout.

Maintenant, une quête. J'aurais pu abandonner l'idée de me rendre chez Derrick lui qui semble habiter au beau milieu de nulle part dans la ville du bout monde et me prendre une chambre d'hôtel pour ce soir, mais non, je ne veux pas rester sur un échec, je veux me prouver que je suis capable de me démerder. Il faut d'abord me rendre à un autre terminal de traversier, celui de Kamoike. Avant tout un petit-déjeuner acheté au Lawson, l'un de ces dépanneurs 24h qui peuplent le Japon, deux gros morceaux de poulet frit, du bon gras tel que j'en vais rêvé toute la nuit durant. Je m'informe auprès d'un passant à l'allure sympathique, un promeneur matinal en ce dimanche de congé - si bienveillant, il ne m'indique pas seulement la direction du terminal, il m'y emmène d'un pas assuré que j'ai peine à suivre chargé de mon sac qui commence à me peser sur la nuque.

Le « ferry » part dans 15 minutes en direction de Taramizu, de l'autre côté de la baie de Kagoshima. À son bord, j'en profite pour faire un « powernap » pendant que les autres passagers se régalent de ramen et de udon (soupe de nouilles épaisses). À Taramizu, à quelques 30 kilomètres de Kinko-cho, la vraie, on me prévient qu'il sera impossible de prendre l'autobus jusqu'à bon port. Pourquoi? Parce que nous sommes dimanche. Je devrai faire autrement. Je commence à marcher vers le sud, vers Kinko, vers chez Derrick. Il pleuvâsse. De la belle merde quoi. Je commence à penser que ça serait peut-être une bonne idée de faire du stop. Je jette des regards derrière moi, j'y pense, je considère, je me demande si... et soudain, sans avoir même tenter de tendre le pouce, une voiture s'arrête à côté. Un visage amical, assis du côté droit, bien sûr, me demande où je vais. Lorsque je lui réponds Kinko-cho, il est d'abord surpris, puis regarde sur son GPS. Ce n'est pas trop loin, pas sur son chemin nécessairement, mais il peut m'y amener. Hourra!

En tout, le trajet prend une bonne demi-heure - à pied ça m'aurait pris au moins cinq heures. Ah, merci, mille fois merci! À peine arrivé à Kinko-cho, un bâtiment attire mon attention : c'est une petite maison blanche avec un drapeau canadien dans la fenêtre et un écriteau sur lequel on peut lire « Kennedy English School ». Ça y est, c'est ici! Je remercie Kamikariya-san, mon bon samaritain et j'appelle Derrick pour lui dire que j'ai finalement réussi à me rendre à destination.

Il vient me chercher une quinzaine de minutes plus tard avec sa voiture remplie à craquer de sourires accueillants. Il y a lui, Derrick, un Canadien de Winnipeg, 30 ans, son épouse, Naoko, leurs deux enfants, Zen et Luka (3 ans et 1 ans si je me souviens bien) et aussi deux autres couchsurfers, Stéphan et Milena de France. Derrick me dit que c'est la première fois qu'ils reçoivent des étrangers à Kinko-cho et que c'est donc un hasard que nous soyons trois à la fois. La douche attendra, nous allons d'abord voir une chute dans les environs. Ensuite, nous allons manger un morceau au matsuri du coin, pas cher, hyper sympathique, noys y rencontrons les frères de Naoko qui nous offrent des moules. Après, nous allons au Cap Sata, le point le plus méridional de Kyushu et donc du Japon, en excluant les îles mineures. Voilà, mon bout du monde. Je suis fatigué, je me sens crade, je pue probablement, mais j'y suis.

Avant le souper, moi, Derrick et Stéphan allons au onsen pour nous nettoyer, nous relaxer, nous régénérer quoi. Un quarante minute de pur bonheur qui efface complètement les désagréments des deux dernières journées. Pour le souper, Milena fait un gyudon maison (des lamelles de boeuf et des oignons cuits sur un nid de riz), puis Naoko va mettre les enfants au lit pendant que moi, Derrick et Stéphan, jouons au golf sur la Wii.

Pas nécessaire de vous dire que je n'ai pas eu de difficulté à m'endormir.

Mot du jour : minami (sud), sainan (le plus au sud)

P.S. C'est ma dernière mise à jour pour aujourd'hui. Demain, je prends le traversier pour Osaka, j'espère donc être en mesure de vous donner des nouvelles après-demain. Tiens, juste pour vous dire exactement où j'en suis : j'écris présentement d'une auberge de jeunesse à Miyazaki, sur la côté est de Kyushu. Comme nous sommes hors-saison, l'endroit est complètement désert. Je recharge mes batteries avant de repartir à l'aventure. Sayonara!

Les deux Kinko : jeux de miroirs et de poulies


Ah, le Shochu... l'une de ces fois où l'on se dit : « Plus jamais! ». Heureusement, Erich veille au grain, il me concocte un petit-déjeuner à l'américaine, avec toast, omelette et café que je m'efforce d'avaler pour me faire un « petit fond », comme on dit. Vers midi, il va me reconduire à la garde d'autobus avant d'aller rejoindre sa fiancée à Isahaya. Le trajet est sans histoire - je me sens un peu tout croche, mais ça va. Arrivé à la station d'autobus de Kagoshima, je donne un coup de fil à Derrick, mon prochain meilleur ami, et il me dit d'aller à Kinko-cho et de l'appeler une fois sur place. Je demande à une employée de la gare qui me dit que je dois prendre un autobus, puis un traversier, puis un autre autobus avant de... ehh? Je m'étais pourtant renseigné sur Kinko avant de prendre le bus, j'avais lu qu'à partir de la gare de Kagoshima, fallait prendre le train pendant environ une demi-heure et que ça coûtait 450¥. Je vais donc voir à la gare et repère Kinko sur la carte, avec les kanji et tout. Kinko. 450¥, une dizaine d'arrêts et une quantité de vues splendides sur Sakurajima, une petite presqu'île au centre de la baie de Kagoshima au milieu de laquelle s'élève un volcan à la silhouette parfaite, presque cliché. À Kinko, je téléphone à Derrick :« Salut, c'est François, je viens tout juste d'arriver! »
- D'accord, où es-tu?
- Je suis à la gare de Kinko.
- La gare de quoi?
- Ben la gare de train.
-... Je crois que nous avons un problème.
- Pourquoi donc?
- Il n'y a pas de train qui se rend à Kinko-cho.

Il n'y a pas de train qui se rend à Kinko-cho. Je ne suis pas au bon Kinko. Moment de désespoir rehaussé d'un peu d'apitoiement. Trop tard pour me rendre au bon Kinko, que faire? Je rentre à Kagoshima, vais dans la salle d'attente de la gare pour y lire « Par-delà le bien et le mal » (que j'ai acheté à Kumamoto) pendant environ 3 heures. À minuit, la salle d'attente ferme, je dois quitter. J'erre un peu dans Kagoshima. Nous sommes samedi, à l'heure de pointe des fêtards, qui passent à côté de moi dans leurs voitures modifiées. Je marche pendant trois quarts d'heure, jusqu'au terminal de traversiers en direction de Sakurajima. Là, je me trouve un siège pas trop inconfortable où je somnole jusqu'au lever du soleil.

Demain, j'irai au bon Kinko, au vrai Kinko. Kinko-cho.

Mot du jour : kagami (miroir)

Gymnastique gustative


Lorsque j'étais entré en contact avec Erich pour la première fois, je lui avais demandé s'il ne pouvait pas m'héberger deux nuits. « Pourquoi pas trois », qu'il m'avait répondu, parce que si je restais une nuit de plus nous pourrions passer une journée à flâner ensemble. En fin de matinée, il m'amène d'abord à la station d'autobus, où je peux planifier la suite de mon voyage, en l'occurrence acheter un billet de bus pour Kagoshima. Juste à côté de la station centrale, encore des dégustations - j'y goûte un steak de la région, un gâteau roulé fourré à la pâte de haricots aromatisée à l'orange ainsi qu'un petit poisson séché, qu'il faut manger tout en entier, avec les nageoires, la tête, les yeux. Nous allons au arcades, de nouveaux, arrêt dans une librairie là où, ô joie!, il y a une montagne de livres usagés en anglais et en français! Lorsque nous arrivons à la caisse, les employés semblent perplexes - combien valent-ils? C'est qu'ils ne s'attendaient pas à les vendre si rapidement ces livres! Nous leurs proposons un marché : 100¥ chacun, à prendre ou à laisser. Ils acceptent et nous repartons satisfaits de la transaction conclue.

Une vingtaine de minutes avant de rencontrer Caroline, avec qui nous avons rendez-vous à 13h à l'intersection des arcades du dessus et du dessous (« Kami » et « Shimo »). Erich me paie une partie de Taiko électronique - nous nous amusons comme des bambins. Avec Caroline, nous retournons près des stands de dégustation et je constate qu'ils ont un nouveau menu - aubergine frites, lait chaud d'une ferme locale, etc. Nous allons au musée d'art contemporain de Kumamoto pour une visite rapide d'une exposition gratuite gracieusement offerte par le club d'arts visuels municipal avec comme thématiques le jeu, l'enfance, les couleurs vives, le mignon (très japonais, bref). Caroline est fatiguée.. allez, tous au Starbucks! Étant donné que le café filtre petit format (4$) revient à peine moins cher qu'un café de fantaisie, je me lâche lousse et commande fièrement un café à la crème brûlée... à la kuriimu burure. Caroline veut lire un peu, nous la laissons donc au Starbucks et Erich m'amène au jardin de Suizenji, deuxième grande attraction touristique de Kumamoto.

Pour un joli jardin, c'est un joli jardin, y'a pas à dire. Nous en faisons le tour rapidement, en passant bien sûr à côté de la reproduction du Mont Fuji. Vers la fin du parcours, nous nous arrêtons dans une maison de thé, à l'origine construite à Kyoto, mais importée à Kumamoto il y a de cela environ un siècle. Assis sur un tatami, à l'extérieur, mais sous un toit, nous buvons un mattcha en regardant s'étendre la pénombre sur l'étang du parc de Suizenji. Pour souper, Erich mijote un espèce de ragoût composé des différents légumes achetés aujourd'hui. J'y apporte ma contribution en achetant un litre de shochu, un vin de pays très populaire dans les environs. J'achète la variante 'mugi', un alcool de blé dont le goût s'apparente à celui de la vodka, bien que le taux d'alcool ne s'élève qu'à 25%.

25%, ce n'est pas tant, mais la soirée avance et j'ai pas le temps de réaliser que je suis le seul à en boire. Une soirée plaisante je crois, mais... mes souvenirs sont assez flous. Le lendemain, en déjeunant, je suggère à Erich d'aller visionner un vidéo sur Youtube. Il me dit : « Tu ne te souviens pas? Nous l'avons regardé ensemble hier ». Ouch.

Mot du jour : no(mu) (verbe boire...) nonda = forme passée, takusan nonda (j'ai beaucoup bu), atama ga ittai desu (j'ai mal à la tête)

Foire aux échantillons


Je suis ... fourbu et je constate que j'ai environ une semaine de rattrapage à faire en ce qui concerne le blogue. Hier, je me suis souvenu de mon arrivée à Tokyo, il y a maintenant plus de deux mois de cela - j'ai à la fois l'impression d'en avoir fait beaucoup et d'en avoir fait peu. C'est drôle, on dirait que ce n'est pas le tant le Japon qui se transforme à travers les villes et les paysages que ma façon de les vivre et de les percevoir. Bon, commençons, maintenant que j'ai le temps de tout mettre à jour je ne vais pas vous emmerder avec mes états d'âmes.

Semaine dernière, Kumamoto, un jeudi? Peut-être. Quoiqu'il en soit, une journée un peu fraîche (on me dira plus tard que Kumamoto est la ville la plus froide de tout Kyushu) qui commence aux alentours des arcades de Kamidori et Shimodori. Ce matin, je pris soin de ne pas déjeuner; Erich, mon hôte, m'ayant prévenu de la tenue d'une foire aux produits locaux. J'y ai goûté (peut-être que le verbe 'déguster' serait plus approprié compte-tenu de la taille des échantillons) un espèce de ragoût, un onigiri fait avec du riz de la région, une tranche de melon et un jus de mandarine maison. Laissé sur ma faim, je me précipite au dernier étage de Tsuruya, un grand magasin. Là aussi, possibilité de goûter un peu n'importe quoi - une dame m'offre ce que je crois être un poudding, mais qui s'avère être une sorte de gratin de fruits de mer.

En après-midi, je visite le château de Kumamoto, l'un des trois plus grands du Japon. Je suis en train de boire un café réconfortant dans la cour principale lorsqu'un employé d'une cinquantaine d'années m'aborde. On converse un peu, en japonais, du mieux que je peux. Pour une raison que j'ignore encore, il m'invite à le suivre à l'intérieur. Que veut-il me montrer? Pas grand-chose, il faut croire, il m'amène dans la salle des employés. Sûrement, il ne voulait pas que je prenne fois.. ah la bienveillance nipponne! Pour le château, je crois l'avoir dans l'ensemble préféré à celui d'Osaka. Semblable, bien sûr, mais une exposition, à l'intérieur, plus sympathique. Il était aussi intéressant de visiter les pavillons adjacents, vraisemblablement désertés par les touristes nippons parce que mal éclairés et dépourvus d'artefacts d'époque, mais sans retouches ni tentatives de modernisations. Sur ce dernier point, je dois rajouter que ni le château ni les pavillons n'étaient chauffés et que, dans ces derniers, les visiteurs se doivent d'enlever leurs chaussures à l'entrée. Brr! Je vous jure, à la fin mes pieds étaient tout engourdis!

Retour à travers le parc aux oiseaux sauvages, à pied, jusque chez Erich qui revient du boulot une dizaine de minutes plus tard, suivi de Caroline, revenue de son expédition au Mont Aso. Erich me montre comment jouer à Shen Mu, jeux culte reconnu pour son réalisme. En fin de soirée, nous écoutons The Royal Tenenbaums, un film que je ne me lasserai probablement jamais de revoir.

OK, ça s'est bien passé! J'écris immédiatement le prochain!

Mot du jour : mihon (échantillon)

dimanche 23 novembre 2008

D'où viennent les ours?


De chez Chris, autobus jusqu'à Downtown Shimabara, puis traversier jusqu'au terminal de Kumamoto, « l'origine de l'ours ». Pendant la traversée, explosion de mouettes dans le ciel, encouragée par une trollée d'ornithologues néophytes. Du port de Kumamoto, il faut prendre le bus jusqu'à la gare centrale et je dois rencontrer Erich une station plus loin, à Kami-Kumamoto (Haut-Kumamoto). Dans la voiture, il y a aussi Caroline, une autre couch-surfeuse, qui elle aussi a visité Megan à Sasebo; elle y était une journée après moi. C'est qu'elle est occupée la Megan! Nous nous installons, nous faisons connaissance, puis nous allons bouffer un okonomiyaki - j'explique : nous nous asseyons les trois à une petite table, serrés les uns contre les autres, pendant que joue sur les haut-parleurs de la musique de Noël. Au centre de la table, une plaque chauffante. Sympa, je me dis, pourquoi ne pas faire la même chose au Québec? Erich me ramène tout de suite à la raison - un tel restaurant s'exposerait, dans la culture nord-américaine, à toutes sortes de poursuites. Les gens se brûleraient sur la plaque et traîneraient le restaurant en cours pour négligence. Bon. Maintenant, le okonomiyaki, queussé queu ssé? Ça vient dans un bol, comme une salade de chou. En fait, je crois que c'est du chou haché avec un oeuf cru sur le dessus et une garniture au choix (je prends au poulpe). Il faut alors mélanger le tout et verser la mixture sur la plaque. Après une dizaine de minutes de cuisson, l'on obtient un drôle de mélange entre une omelette et une salade de chou, que l'on rehausse selon notre humeur de sauces piquantes, sucrées, de mayonnaise ou de moutarde forte. Pas bête. Pas débile, mais pas bête.

Allez, j'ai beaucoup de rattrape à faire dans les entrées de blogue. Si je ne réussis pas à l'avancer dans les prochains jours, ne vous inquiéter pas tout va bien; j'ai touché aujourd'hui à l'extrémité sud du Japon (sans compter les îles de l'archipel des Ryukyu).

Tcho!

Mot du jour : kuma (ours)

mardi 18 novembre 2008

Les plages de Shimabara


Un peu de détente après les horreurs imaginées à Nagasaki, je me retrouve chez Chris, 23 ans et prof d'anglais pour le JET Programme, à Shimabara, petite ville reconnue pour sa proximité avec le Mont Unzen, volcan actif, mais apprécié pour ses sources thermales. Il vit dans un appartement, un peu style condo avec une chambre à coucher à l'étage, un salon, une salle de bain et une cuisine. L'appartement est sur le bout d'une falaise surplombant une baie bordée de plages. Vue imprenable. Vers 11h, je me dirige vers la station d'autobus pour voir comment me rendre sur le Mont Unzen. La dame m'explique qu'il faut que je prenne un autobus pour Obama (oui oui!) à 12h40 et puis que je transfère. Hm. En faisant le calcul, j'arrive au sommet à 14h et j'ai rendez-vous avec Chris chez lui à 18h, donc deux heures maximum au sommet. Je laisse tomber, je me dis qu'il faut mieux laisser faire et tenter de sauver un peu d'argent, la dernière semaine ayant été particulièrement cruelle à cet égard.

Je me balade donc sur la plage, dans parc de pins, en bordure de petits villages pas trop intéressants. C'est un peu frisquet. À 18h, je retourne chez Chris. Nous allons chez son ami Daniel pour une joute de Rock Band. Daniel doit bientôt quitter, mais l'avantage ici, c'est que personne ne doit verrouiller la porte de sa maison. Il nous laisse comme ça, chez lui, et on peut s'en aller quand bon nous semble. Ah, l'honnêteté des Japonais! à 19h, nous retrouvons Tim, un mélange entre John Lennon et Eric Idle (de Monty Python) au resto de ramen. Lui aussi doit partir tout de suite après pour un cours du soir. Qu'à cela ne tienne, Chris et moi allons nous payer quelques bières et nous passons la soirée à discuter pendant que Chris tente tant bien que mal de faire des brownies pour ses élèves.

Mot du jour : kaihin (plage)

Les ombres de Nagasaki


Aujourd'hui, détour obligé par Nagasaki. Deux heures de bus et je me réveille dans la ville qui fut rayée de la carte au mois d'août 1945. Ça fait un peu bizarre; ce n'est pas que la ville aie quelque chose de particulier c'est... justement, la ville n'a absolument rien d'extraordinaire. Sans connaître son histoire, il serait impossible de savoir que par un 9 août, le matin, la deuxième bombe atomique larguée sur le Japon a soufflé tous les bâtiments dans un rayon d'environ 3 kilomètres faisant instantanément plus de 75,000 morts et 75,000 blessés. Paraît que les scientifiques avaient prédits qu'il faudrait plus de 75 ans pour que la végétation réapparaisse et voilà que je me faufile entre les passants, les voitures, les bus, les machines distributrices, les grands magasins et les salles de pachinko.

Je ne veux pas m'éterniser ici, il faut que je sois à Shimabara en soirée et de toute manière, y'a pas grand-chose à voir à Nagasaki. Il y a bien sûr le Musée de la Bombe, là où je passe deux heures tellement c'est fascinant et bien expliqué. Tout sur le pourquoi, le comment, l'après. Le point de vue des Américains, le point de vue des Japonais, des témoignages de survivants. Saviez-vous que Kyoto avait été placée sur une courte liste de villes susceptibles d'être bombardées, mais avait été retirée à la dernière minute? Bien que la ville était parfaite de par sa taille, sa situation géographique et son implication dans l'effort de guerre, on craignit finalement que la destruction de la capitale historique et religieuse du Japon n'exacerbe l'amertume des Japonais envers de l'Amérique. Aussi, ce n'est que par malchance que Nagasaki fut bombardée. Les Américains avaient d'abord ciblé la ville de Kokura, dans le nord de Kyushu. Au moment de survoler la ville, les conditions météorologiques n'étaient pas idéales - trop nuageux. Nagasaki, c'était le plan B. Arrivés au-dessus de Nagasaki, les pilotes trouvèrent les mêmes conditions. Toutefois, lorsqu'ils étaient sur le point de rentrer à la base et de remettre la mission au lendemain, il y eu une brève éclaircie et la bombe fut donc larguée. Une question de secondes et de quelques nuages pour déterminer la vie de centaines de milliers de personnes.

Au sous-sol du musée, j'écoute le témoignage d'un survivant sur bande-vidéo. Âgé de treize ans, il était à l'école au moment de l'explosion, à 1,3 kilomètres de l'hypocentre. Gravement brûlé du côté droit, au visage, au bras, à la jambe, il réussit néanmoins à survivre jusqu'à l'arrivée des secours. À l'infirmerie de fortune, il fut rejoint par sa mère, saine et sauve, qui s'empressa de la ramener à la maison. Mais, sans les soins nécessaires, les blessures empirèrent : il raconte (désolé pour les détails, mais ça m'a marqué) qu'une grande quantité de pus commença à s'écouler de son oreille et que, plus les jours passaient, plus il dégageait une odeur abominable. L'odeur attira les mouches, qui, malgré toutes les attentions, se mirent à déposer des oeufs dans les plaies. L'homme raconte que sa mère enlevait chaque oeuf avec des baguettes avant qu'ils ne forment des oeufs. Finalement, il fut transporté à l'hôpital pour y recevoir des greffes de peaux ainsi que des traitements. Terrible comme histoire. Un peu secoué, je vais récupérer mon sac à la réception et j'y vois le même homme dont j'ai écouté le témoignage. Toujours la pleine forme, malgré ses 76 ans et le bandage autour de sa tête. Je le salue et il insiste pour que nous prenions une photo ensemble. Ça me fait tout spécial d'être là, à côté de ce survivant, témoin d'un moment-choc de l'histoire mondiale.

Après le musée, je me balade près de la cathédrale catholique, la plus imposante en Asie lors de sa construction et presque totalement démolie lors de l'atomisation. On peut encore y voir des statues de saints dont la surface a été noircie par la chaleur intense dégagée par la bombe. Plus loin, c'est le Peace Park, parc de dimensions modestes où siège une statue commémorative du triste événement : une statue à la grecque, toute en muscles et en formes, d'un homme pointant vers le ciel comme pour avertir les générations à venir du danger nucléaire. À quelques mètres, une colonne de marbre noir, sobre, indique l'emplacement exact de l'hypocentre. Encore là, tout le travail doit être fait par l'imagination parce que sinon, il est difficile de voir comment ce parc, ces arbres, tous ces gens, ces édifices de ce secteur somme-toute assez banal de Nagasaki, ont été complètement effacés il y a plus de 60 ans.

Mot du jour : genshibakudan (bome atomique)

dimanche 16 novembre 2008

Mystérieux déménagement


Quelle nuit de sommeil, mes amis! Un petit film pour s'endormir (Room 1408, un thriller horreur/fantastique adapté d'un roman de Stephen King) et un matelas soufflé à l'air hyper-confo. Le lendemain, après la douche matinale, je suis en standby, en attente de savoir quel est le plan pour la journée parce que, joie!, mes hôtes sont en congé aujourd'hui. Pendant que j'attends, Megan vient me voir et me demande si ça me dérange de refaire mon sac et de déménager chez elle. « Yeah, of course, no questions asked. ». N'empêche que c'est intriguant ce déménagement express qui ne semble pas avoir été prémédité. Tout ça ce n'est pas de mes affaires alors je me plie à la demande de Megan sans la questionner davantage.

L'appart de Megan n'est pas mal non plus, il faut l'admettre. Elle habite dans une résidence pour membres de l'armée, un espèce d'îlot où il est possible de vivre à l'américaine. Encore une fois, j'ai une chambre toute à moi. Nous allons nous chercher un lunch à l'épicerie. Après, nous escaladons le mont le plus élevé de la région. La voiture, ça donne une escalade rapide et efficace! Au sommet, il se met à pleuvoir. La vue est quand même superbe; on peut voir le port en tout petit, les collines avoisinantes et aussi les célèbres kyujukushima, ou « 99 îles », une constellation de petites masses verdoyantes émergeant hors de l'eau. Megan reçoit un appel - c'est Marcus. Nous devons le rejoindre au festival d'huîtres dans une vingtaine de minutes. Content de voir que le déménagement n'est pas dû à une friction entre les deux.

La pluie gagne en intensité, mais ça a peu d'importance, parce qu'au festival d'huîtres nous pouvons nous asseoir sous une tente. Voici comment se déroule les festivités : on se procure un sac d'un kilo d'huîtres ainsi qu'un couteau, une paire de gants pour la cuisson, un sac de charbon, deux limes et trois paires de baguettes pour la modique somme de 1,150¥. Ensuite, s'agit de se trouver un petit bbq installé sous une tente. Une fois le feu bien pris, les huîtres sont placées sur la grille. Elles seront prêtes à manger lorsque la chaleur aura provoqué leur ouverture. Délicieux!

Bien rempli, je rentre faire une sieste avant de ressortir en soirée. Megan et Markus tiennent à me faire goûter l'une des spécialités de la région - le Sasebo Burger. Eh oui! dû à la forte présence américaine dans la région, le hamburger est devenu l'un des mets les plus prisés. Un bon gros hamburger coulant, juteux, tendre et réconfortant. Pendant le festin, mes deux hôtes tentent sans succès de contacter de leurs amis pour une partie de billard ou une soirée de karaoke. Qu'à cela ne tienne, nous allons les trois au karaoke, une première pour Megan et Markus, un vrai baptême de feu! Nous profitons d'un forfait, ma foi, fort attrayant : 3,000¥/personne pour 4 heures de « all you can sing » et « all you can drink ». J'en profite pour faire le plein de souvenirs et de «kuronamabiru » (bière noire en fût) et le retour, c'était écrit dans le ciel, se fera en taxi.

Mot du jour : kaki (huître)

vendredi 14 novembre 2008

Prendre soin de son corps, suivi de L'Amérique, « ça c'est beau! »


Les Japonais ne semblent pas familiers avec le concept de chauffage. Bon, il
 est vrai qu'à des endroits comme Kyushu, où la température ne descends jamais vraiment en bas de 10°c en hiver, y'a pas besoin la plupart du temps, mais c'que les intérieurs peuvent être frisquets! Et moi, contrairement aux habitants de la place, je n'ai pas de pantoufles pour me réchauffer les pieds. Chez Julia, donc, ce n'est pas chaud et pour cette raison, ça dort extrêmement bien.

Je m'étais dit que je partirais à vélo vers 8h, mais j'ai fait la grasse matinée. 11h, je prends un sac de pain tranché et pars en direction de l'onsen (source thermale) que Julia m'a recommandé hier. Je le dép
asse, mais continue un peu plus loin sur la route 10 - les paysages sont franchement superbes. Au loin, je vois le Hachimensan, la « montagne à huit versants », une masse au contour étrange qui rappelle un peu celui de Ayers Rock. Je ne m'y rends pas, mais sur le chemin, je m'arrête près d'un champs de tournesol, à côté des poules, et puis en bordure d'un temple shinto près d'un étang artificiel.

Sur le retour, fourbu, je vais à l'onsen (Taiheiraku). Ma première fois! Alors on commence par se dévêtir au vestiaire et par prendre une douche pour se laver complètement. On passe ensuite aux bains qui ont chacun une température différente ainsi que des minéraux différents. 
Une douche pour enlever les minéraux et c'est le sauna, suivi d'un bain d'eau glacée (quand on ne sent plus les pieds, c'est le temps de sortir). Très agréable, mais si je dois avouer avoir eu une petite réticence à me foutre à poil en public. J'ai pas eu vraiment le choix! Comme je n'avais pas ma serviette, ils m'en ont prêté une qui était plus près d'une débarbouillette. Mais je dois dire que lorsque l'on s'habitue à la nudité complète en public, ça a quelque chose de libérateur et de pas désagréable du tout.

En soirée, j'accompagne Julia à son restaurant favori, où l'on peut prendre des petits plats à partager ainsi que des brochettes (j'essaie l' « horumon » - hormone -, intestin de porc). Matthew vient nous rej
oindre à la fin du repas. Lui aussi est un Australien enseignant l'anglais. Nous passons au deuxième arrêt, un petit bar à l'occidentale, style lounge avec ambiance feutrée. La spécialité de l'endroit est un espèce de poulet frit style kentucky, mais avec une saveur plus citronnée. Gras, fondant, salé, délicieux. Allez, un petit whisky pour faire descendre le gras.

Troisième arrêt, le pub karaoké. En comptant le barman, nous sommes sept dans le bar. Il y a nous trois, une fille sur son ordinateur portable assise au bar et deux buisnessman venus terminer leur journée 
ici. On chante un peu, je fais mes tounes faciles question d'avoir le meilleur pointage possible. Pourquoi? Ben parce qu'après avoir fait la chanson, la photo d'une fille apparaît à l'écran et plus on a été bon, plus elle se dénude. On ne verra qu'une paire de boules de toute la soirée. Quelle déception!

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Se rendre à Sasebo, prochaine destination, à partir de Nakatsu, c'est pas de la tarte. Il faut pour ainsi dire traverser Kyushu d'est en ouest. En tout, cinq heures de route. J'arrive à la station vers 20h, donne un coup de fil à Megan, mon hôte et elle me dit qu'elle peut venir me chercher une fois son film terminé. Je m'achète un muffin géant et l'attend.

Elle se pointe avec son copain, un trappu tatoué du nom de Marcus. Ils me disent qu'avant de retourner à la maison, ils doivent faire un détour par la base. La base? Quelle base? La base de quoi, de qui? La base militaire américaine, car Megan et Marcus, les M&Ms, travaillent tous deux pour l'armée américaine. Les États-Unis ont en effet un pied à terre à Sasebo à partir duquel ils effectuent des missions humanitaires en Asie du sud-est. Pour une quinzaine de minutes, donc, je suis en territoire américain! Là, tout fonctionne en dollar US, on y trouve des produits américains, des Taco Bell, etc, etc. À la base, il y a l'équipe de veilleurs de nuits, habillés en camouflage et sur les murs, des papiers officiels de l'armée américaine. Tu parles si j'avais pensé de me retrouver ici!

Nous allons chez Marcus, où habite aussi Megan. C'est une maison à l'occidentale et je me vois offrir une chambre toute à moi, super! Marcus m'invite aussi à boire autant d'Heineken qu'il me plaira parce que, voilà, il n'aime pas vraiment le goût. Je me mets au lit assez tôt et profite de ce moment de répit pour écouter un DVD sur mon ordinateur, un petit divertissement qu'on a pas souvent l'occasion de se permettre.

Ok, ciao! Désolé pour le style et les fautes, je suis très pressé, mais en même temps je ne voulais pas vous laisser sans infos trop longtemps!

P.S. J'ai mis à jour quelques anciennes entrées en ajoutant des photos.. Si ça vous dit, j'en ai mis de nouvelles à partir de « Hérésie au quartier de l'eau de thé ».